Section 37, que les mots de notre langue naturelle font plus d’impression sur nous que les mots d’une langue étrangere Une preuve sans contestation de la superiorité des vers latins sur les vers françois, c’est que les vers latins touchent plus, c’est qu’ils affectent plus que les vers françois, les françois qui sçavent la langue latine. Cependant l’impression que les expressions d’une langue étrangere font sur nous, est bien plus foible que l’impression que font sur nous les expressions de notre langue naturelle. Dès que les vers latins font plus d’impression sur nous que les françois, il s’ensuit donc que les vers latins sont plus parfaits et plus capables de plaire que les vers françois. […] Qu’on traite, si l’on veut, cette explication de subtilité, il sera toujours vrai de dire que dès que notre cerveau n’a pas été habitué dans l’enfance à nous representer promtement certaines idées aussi-tôt que certains sons viennent frapper nos oreilles, ces mots font sur nous une impression et plus foible et plus lente que les mots auxquels nos organes sont en habitude d’obéir dès l’enfance.
L’animal même se sentira entraîné dans cette descente vertigineuse : il n’aura pas l’impression de repos, mais l’impression corrélative à un mouvement rapide. […] Ainsi, quand il y a en nous une succession de choses différentes, nous éprouvons une certaine impression de changement qui ne saurait se confondre avec un état de repos et d’inertie, pas plus qu’en voiture nous ne confondons l’impression de la marche avec celle de l’arrêt. […] Si, par exemple, le tonnerre suit l’éclair, de deux choses l’une : ou bien, quand j’ai l’impression du son de tonnerre, l’impression de l’éclair n’existe plus, et alors je ne puis avoir l’idée de succession, ou bien elle coexiste, affaiblie, avec l’impression du tonnerre, et alors j’ai deux impressions simultanées, l’une forte, l’autre faible : comment donc puis-je savoir qu’il y a eu succession ? […] Münsterberg a excellemment montré que nous mesurons le temps par des impressions sensibles. Lorsque le temps qui sépare deux impressions est moindre d’un tiers de seconde, l’image mnémonique de la première impression, à l’état évanouissant, enveloppe la seconde impression ; et c’est cet enveloppement plus ou moins grand qui nous fait juger la distance entre les deux impressions.
Ce sera tout ce que vous voudrez, des impressions personnelles, les impressions d’un Ostrogoth ou d’un Gépide, — mais d’un Ostrogoth ou d’un Gépide à sensations fortes, et qui, d’ailleurs, a été baptisé, ce qui est de rigueur pour apprécier un travail sur la Bible. […] La première impression de la vie, la première image qui se soit incrustée dans nos yeux d’enfant, ces yeux qui grandissent tout ce qu’ils regardent, quand nos yeux d’homme le diminuent et finissent, de désabusement ou de mépris, par ne plus le voir ! le moyen pour un artiste, fût-il le plus grand et le plus sorcier des artistes, de lutter victorieusement contre cela, contre cette première impression de la vie qui nous est restée vivante, flambante, idéale, et qui fait pâlir toute impression présente devant cette force du souvenir qui, elle aussi, a pour loi de se multiplier par la distance ! […] Mais, je l’affirme en toute sécurité, pour les autres comme pour moi-même, les chefs-d’œuvre épars vus depuis n’ont pu effacer en nous l’impression de ces images peut-être grossières, et quand nous pensons à la grandeur des scènes bibliques, c’est à travers le tressaillement d’émotions que ces images nous ont données et que rien dans nos âmes n’est capable maintenant de recommencer ! […] En un mot, je ne peux et je n’ai voulu que signaler l’impression qui se fixe dans l’esprit, comme une acquisition nouvelle, quand, le livre immense feuilleté et parcouru comme une longue galerie, on se replie sur soi et on se demande ce qui reste sur l’imagination frappée de tout ce qu’on vient de traverser et de contempler.
Des vers que nous lisons nous donneront une impression de poésie par le seul éclat des images. […] On ne se laisse plus aller à ses impressions. […] Nous cherchons d’où vient en fait, dans une œuvre poétique quelconque, l’impression de poésie. […] Etant plus complet, il produira une impression esthétique plus puissante. […] Etant œuvre de pure poésie, il nous donnera une impression plus purement poétique.