C’est pour cela, selon Mill, que le moi leur imagine une cause distincte du moi. […] Les gourmets, par exemple, imaginent sans trop de peine les sensations du goût. […] De même nous imaginons plus facilement les sensations qui nous ont coûté plus d’efforts. […] Voilà pourquoi nous les imaginons malaisément. […] Imaginons un homme des plus immoraux ; prêtons-lui les plus détestables passions, les plus grands vices.
Il est d’ailleurs tout naturel qu’il ait imaginé que la rédaction de ces deux passages par Sainte-Beuve et la disparition de la lettre du tome Ier de la Chrestomathie avaient la même cause, à savoir le fait que la mystification était déjà connue. […] Car c’est une erreur de s’imaginer qu’à cette époque de sa vie, Sainte-Beuve touchât à tout, essayât de tout, par simple curiosité ou dilettantisme. […] Je m’imagine que c’est un des plus grands attraits de Paris, et le seul même qui vaille la peine d’y vivre : être à une bonne place pour juger la comédie. […] Le liquide qu’il avait imaginé conservait sa couleur jusque dans ces canaux un peu moins que capillaires ; en peut-il être ainsi du langage ? […] Imaginez-vous que nous avons réduit la vie entière à cinq ou six petites maximes, qui, bien comptées, bien supputées, tiendraient ensemble dans une coquille d’œuf.
Imaginez le crime le plus contraire aux sentiments naturels. […] Ainsi la légende imaginée par Aubanel est la vive et saisissante représentation de cette vérité, que les enfants de la femme adultère sont souvent les victimes du crime maternel, qu’ils en souffrent soit dans leur corps, soit dans leur âme, et que parfois ils en meurent. […] C’est que les personnages s’imaginent exprimer des sentiments louables ou pour le moins légitimes, et en expriment, en réalité, d’abominables. […] Or, j’avais découvert — non pas le premier, j’imagine — un filon à peu près inépuisable. […] Pour moi quelle épouvante D’affronter en ce jour, face à face et vivante, Cette figure auguste aux éclairs radieux, Que nous imaginons déjà parmi les dieux !
C’est pour cette raison que la notation des quantités infinitésimales, imaginée par Leibniz, constitue une invention capitale qui a si prodigieusement accru la puissance de l’instrument mathématique, et le champ de ses applications à la philosophie naturelle. » De toutes parts surnage la même conclusion. […] À présent, imaginons en un autre point de la durée et de l’étendue un groupe exactement semblable de conditions exactement semblables. […] Ayant constaté dans tel cas tel caractère, nous ébauchons sans le vouloir une construction mentale ; nous imaginons vaguement un autre cas absolument semblable et tel que les différences par lesquelles il se distingue du premier, notamment celles de moment et de lieu, soient sans influence sur la production du caractère et, par suite, puissent être considérées comme nulles à cet égard ; alors le second cas se confond avec le premier, et nous apercevons la liaison du caractère et de ses conditions, non plus comme un fait fortuit et isolé, mais comme une loi absolue et universelle.