Il faut tenir compte surtout d’un certain nombre d’ouvrages qui, dans les premières années de la Restauration, aidèrent l’imagination de nos artistes et de nos poètes à sortir de l’antiquité classique et du xviie siècle, à renouveler les idées et les formes de la littérature. […] Nous devons enfin considérer comme circonstance favorable la chute de l’empire qui, fermant brusquement la réalité aux activités inquiètes et aux ambitions énormes, les dériva vers le rêve et l’exercice de l’imagination.
Ne vaut-il pas mieux, lorsqu’une émotion universelle s’est produite autour d’un être idéal, ne pas trop en rapprocher l’objet, et se confier au rêve et à l’imagination de tous pour l’achever et le couronner mieux que nous ne saurions faire ? […] J’en conclus que la véritable Elvire aurait peine à se reconnaître dans les pages alambiquées du roman panthéiste de M. de Lamartine, et je la restitue dans mon imagination telle qu’elle apparut la première fois au bord de ce lac, bien différente, au jeune poète lui-même si différent !
Cette mise en action peut parfaitement et même doit recommencer sous une forme faible lorsque la proie n’est plus présente qu’en imagination ; il y a alors une série de faits mentaux à l’état naissant, qui ne peuvent se développer entièrement faute d’objet, mais qui se développent en partie dans l’imagination ; c’est cette attitude mentale qui constitue l’impulsion.
Dans une famille de vielle richesse bourgeoise, et de hautes charges militaires, sous la galante et faible tutelle d’un grand-père épris, l’éveil d’âme d’une petite fille, sa vie de dignitaire minuscule dans l’hôtel du ministère de la guerre ; la naissance de son imagination par la musique, les lectures sentimentales, et cette précoce surexcitation que causent dans une cervelle à peine formée les exercices religieux préparatoires à la première communion l’esquisse de ses passionnettes et de ses amourettes puis le développement de la jeune fille fixé en ces moments capitaux : la puberté, le premier bal, la révélation des mystères sexuels enfin l’étude, en cette élégante, de tout le raffinement de la toilette, des parfums du corps et des façons mondaines son affolement de ne pas se marier, le léger hystérisme de sa chasteté, l’anémie, une lugubre lettre de faire part en ces phases se résume le récent roman de M. de Goncourt, le dernier si l’auteur maintient, pour notre regret, un engagement de sa préface. […] Ce penchant qui le conduisit à recueilir les dessins du XVIIIe siècle, à étudier en toutes ses faces et à faire revivre en son entier cette époque de la grâce française, qui lui fit aimer dans les objets du Japon leur puérilité, l’ingénu et l’impromptu de leur art, pénètre et détermine ses œuvres d’imagination, leur infuse comme une nuance et un parfum à part, les farde et les poudre.