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1277. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Ils sont les premiers à reconnaître ; « Que l’imagination des auteurs, quand ils traitaient des sujets religieux dont les points fondamentaux étaient fixés par l’Ancien ou le Nouveau Testament, ne pouvait se donner carrière que dans quelques scènes épisodiques et dans le dialogue naïf, familier, souvent trivial, des personnages secondaires, tels que les bergers, les soldats, les démons ; que l’exactitude des tableaux, le langage plus ou moins vrai qu’on prêtait aux personnages, l’effet comique qui résultait des facéties de quelques-uns, constituaient le principal mérite de l’ouvrage aux yeux du public, et en faisaient tout le succès ; que toute espèce d’idée d’unité était absente de ces compositions et étrangère à la pensée des auteurs ; qu’on ne songeait nullement alors à disposer les faits de façon à les faire valoir par le contraste, à concentrer l’intérêt sur certaines scènes, à tenir en suspens l’esprit du spectateur et à l’amener de surprise en surprise, de péripétie en péripétie, jusqu’au dénouement. […] Elle a inspiré à de grands poètes tragiques, aux Shakespeare et aux Schiller eux-mêmes, des inventions odieuses ou absurdes ; elle a inspiré au plus bel esprit et à la plus vive imagination une parodie libertine qui est devenue une mauvaise action immortelle ; elle est en possession de faire naître, depuis Chapelain, des poèmes épiques qui sont synonymes d’ennui, et que rien ne décourage, qui recommencent de temps en temps et s’essayent encore çà et là, même de nos jours, sans arriver jusqu’au public : soyez bien sûrs qu’à l’heure où je vous parle il y a quelque part un poëme épique de Jeanne d’Arc sur le métier.

1278. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

L’imagination s’en mêle, une imagination peu hardie sans doute ; n’oublions pas que nous sommes, à ce début, dans un babil de jeune fille, un babil de colombe.

1279. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Bossuet excelle à découvrir et à exprimer ces doubles sens qui sont l’attrait et le mirage des imaginations tournées au mystique, et où il triomphe après saint Augustin, après saint Bernard, après tant d’autres ingénieux talents ; car ce qu’il y a eu d’esprit, à proprement parler, dépensé à ces sortes de subtilités depuis tantôt deux mille ans est prodigieux. […] L’imagination a beau jeu, on le conçoit, pour grouper à sa fantaisie les nuages et les assembler en toutes sortes de figures monstrueuses ou grandioses à ces horizons les plus lointains de l’histoire.

1280. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Dans ce laps de temps, les fortifications d’Alexandrie seraient achevées ; cette ville serait une des plus fortes places de l’Europe ; … l’arsenal de construction maritime serait terminé ; par le moyen du canal de Rahmaniéh, le Nil arriverait toute l’année dans le port vieux, et permettrait la navigation aux plus grandes djermes ; tout le commerce de Rosette et presque tout celui de Damiette y seraient concentrés, ainsi que tous les établissements civils et militaires ; Alexandrie serait déjà une ville riche ; l’eau du Nil, répandue autour d’elle, fertiliserait un grand nombre de campagnes, ce serait à la fois un séjour agréable, sain et sûr ; la communication entre les deux mers serait ouverte ; les chantiers de Suez seraient établis ; les fortifications protégeraient la ville et le port ; des irrigations du canal et de vastes citernes fourniraient des eaux pour cultiver les environs de la ville… Les denrées coloniales, le sucre, le coton, le riz, l’indigo, couvriraient toute la Haute-Égypte et remplaceraient les produits de Saint-Domingue. » Puis, de dix années de domination il passe à cinquante ; l’horizon s’est étendu ; l’imagination du guerrier civilisateur a pris son essor, et les réalités grandioses achèvent de se dessiner, de se lever à ses yeux de toutes parts : « Mais que serait ce beau pays, après cinquante ans de prospérité et de bon gouvernement ? L’imagination se complaît dans un tableau aussi enchanteur !

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