L’antiquité elle-même, l’antiquité d’Homère nous rendit ses aèdes vagabonds avec leur imagination naïve et puissante. […] Progrès accomplis Deux grands esprits, deux talents plutôt égaux que semblables présidèrent à cette restauration de l’intelligence, Chateaubriande et Germaine de Staël ; l’un catholique et royaliste de cœur et d’imagination, défenseur du passé, doué de toutes les aspirations de l’avenir ; noble courtisan de toutes les disgrâces, avocat chevaleresque de toutes les grandeurs malheureuses ; l’autre, fille de la Réforme, élève de la philosophie et de la liberté, mais de la philosophie sans irréligion, et de la liberté sans souillure ; passionnée pour toutes les grandes choses, et apportant au culte des lettres la délicatesse d’une femme et la haute raison d’un homme de génie ; tous deux partis des points les plus divers de l’horizon, et réunis ou du moins rapprochés à la fin de leur carrière par la pression des temps et la pente naturelle de la pensée. […] Nous verrons bientôt ce que la critique périodique a pu gagner ou perdre à cette invasion des jeunes gens ; quant à l’histoire littéraire qui exige moins d’expérience pour juger que de verve pour raconter, elle s’enrichit de plusieurs jeunes talents, transfuges prudents de l’imagination. […] Ils méritent une gloire brillante encore : car, s’il leur manque, pour créer, un degré de vigueur et d’audace, ils compensent la force de l’imagination par la finesse du goût.
Dans l’imagination et le souvenir de tout le monde, Proudhon, l’auteur de : La Justice dans la Révolution et dans l’Église, continue d’être le terrible incendiaire qui a bouté le feu — et qui s’en est vanté — « à toutes les broussailles de la Révolution, pour en faire lever les derniers marcassins qui s’y cachent ». […] Il est impuissant comme imagination spontanée dans le style, comme grand aperçu et vue pleine dans la pensée, mais il est resté viril et vigoureux par ailleurs. […] Dieu lui avait épargné les passions, et ne lui avait accordé d’imagination que ce qu’il en faut pour donner de l’éclat et de la couleur à du style. Proudhon ne connut pas celle-ci : l’imagination dévorante, le cancer de feu dont madame de Staël disait : « Ce n’est plus une faculté, c’est une maladie… » En restant et en développant ce que Dieu l’avait fait, — une nature chrétienne, — et même en devenant un Saint, s’il avait pu le devenir, Proudhon n’eût jamais été, par exemple, un Saint comme le fut saint Jérôme.
On ne distinguait pas à l’origine entre l’imagination et la mémoire. […] Il a composé deux ouvrages principaux sur ces objets ou sujets du monde intérieur : Recherches sur la nature et les lois de l’imagination, 1807 ; Études sur l’Homme, ou recherches sur les facultés de sentir et de penser, 1821. […] Je voulais donner une idée approchante de ce Fontenelle d’une nature singulière et d’une autre race, resté jeune jusqu’à la fin, — jeune d’esprit, d’imagination et de cœur —, homme avant tout aimable, et dont les faiblesses mêmes (selon le beau vers de Goldsmith) penchaient du côté de la vertu 100.
Les Lettres écrites de Lausanne, délicieux roman de Mme de Charrière, montrent combien le goût, le naturel choisi et l’imagination aimable étaient possibles, à la fin du dernier siècle, dans la bonne société de Lausanne, plus littéraire peut-être et moins scientifique que ne l’était alors celle de Genève. […] Sa science de langue, de synonymie et de cœur, va souvent à l’éloquence d’onction ou de pensée, mais ne s’envole pas volontiers aux grandes choses d’imagination. […] Quant aux deux discours sur l’Étude sans terme, nous y pourrions louer longuement le moraliste, et même, dans le premier discours, admirer des traits d’imagination et de pensée colorée, plus forts, plus grands que le didactique du genre n’en permet d’ordinaire à M.