/ 2246
327. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

Mais ce qui ne nous a pas intéressé le moins dans la lecture de ces volumes, ce sont les divers endroits qui nous servaient à reconnaître et à composer dans notre pensée l’image de l’auteur même. […] Madame de La Fayette écrivait à madame de Sévigné : « Votre présence augmente les divertissements, et les divertissements augmentent votre beauté lorsqu’ils vous environnent : enfin, la joie est l’état véritablement de votre âme, et le chagrin vous est plus contraire qu’à personne du monde. » Ninon écrivait encore à Saint-Évremond : « La joie de l’esprit en marque la force. » L’auteur de ces Souvenirs, à mesure qu’ils se déroulaient devant nous, et que nous nous plaisions à composer son image, nous paraissait ainsi une personne chez qui la joie, une joie qui n’exclut nullement la sensibilité, est compagne de la force de l’âme.

328. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Stéphane Mallarmé »

Si, avec les images qu’il nous a suggérées, nous ne pouvons sculpter un bas-relief dont se pare sa tombe éblouissante, « Que du moins ce granit, calme bloc pareil à l’aérolithe qu’a jeté sur terre quelque désastre mystérieux, marque la borne où les blasphèmes futurs des ennemis du poète viendront briser leur vol noir. » C’est fort mal traduit, et pourtant j’ai fait de mon mieux. […] Le rapport de ces images avec les faits ou les pensées qu’elles expriment étant (je l’espère du moins) absolument clair pour M. 

329. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

De ce que la faculté esthétique, c’est-à-dire créatrice d’images et de symboles, n’est point distribuée à tous à un degré équivalent, il ne suit pas que cette faculté soit absente. […] Et cette image est d’une justesse absolue. […] C’est que la Musique, seule de tous les arts, n’est pas une image des représentations, autrement dit des objectivations de la Volonté ; elle est l’image même de la Volonté ; elle est en quelque sorte la métaphysique de tous les phénomènes physiques du monde, elle représente la chose en soi de chaque phénomène. […] Consultez n’importe quelle collection de chants populaires, vous verrez comment la Musique jette autour d’elle un nombre infini d’étincelles d’images et d’idées. […] « La Musique est l’idée même du Monde, le drame n’est qu’un reflet de cette idée, une image isolée… Nous aurons beau animer cette image de la façon la plus plastique, la mouvementer, l’éclairer du dedans, elle ne sera jamais qu’une apparence de laquelle aucun pont ne nous conduit directement dans la réalité vraie, au cœur du Monde.

330. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

… Mais l’image, les classiques en sont pleins, la tragédie n’est qu’image. Jamais Pétrus Borel n’aurait osé cette image insensée : Brûlé de plus de feux que je n’en allumai ! […] Il nous arrête à une petite image de bal qui ressemble à un bal d’insectes, et dont il moque la maigreur, et la conscience des parquets, et le fini et le précieux, mais où il rencontre l’animation du bal, et une opposition assez satisfaisante des blancs et des noirs, des habits et des robes, — toutefois en déclarant que, dans ce temps, il n’avait pu encore arriver ni aux noirs ni aux gris veloutés. […] Les trois lumières dégradées, la pénombre entourant le vieillard, la douce lumière du ménage, le rayonnement des enfants, semblent l’admirable image de la famille : Soir, Midi, Aube. — Le Passé dans l’ombre bénissant, par-dessus le Présent éclairé, l’Avenir éblouissant. […] Ce mort a réveillé une image dans ma mémoire : le supplicié par le garrot de Goya.

/ 2246