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274. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Il s’attache aux mondains, il les amorce, il les apprivoise par le talent d’images et de similitudes dont la nature l’a doué ; il met force sucre et force miel au bord du vase. […] Ce qu’il disait à Mme de Chantal, il l’aurait dit également à toute âme : « Tenez voire cœur au large, ma fille ; et, pourvu que l’amour de Dieu soit votre désir, et sa gloire votre prétention, vivez toujours joyeuse et courageuse. » Si l’on ne voyait chez lui que quelques images de mauvais goût et quelques abus d’esprit, de sucre, de miel et de fleurs, on pourrait croire qu’il amollit et qu’il effémine la dévotion : en allant plus au fond et en dégageant sa pensée, les meilleurs juges ont trouvé qu’il n’en était rien, et qu’il est resté fidèle au véritable et sérieux esprit chrétien. […] On conçoit, dans le temps, le succès d’un tel livre qui prenait les cœurs par la tendresse, attirait l’esprit par les belles images, et satisfaisait la raison par le fruit moral qu’on en recueillait34. […] Il abuse, je l’ai dit, de la comparaison et des images physiques ; il ne les emprunte pas toujours à ce qu’il a vu et observé en passant dans ses vallées et ses montagnes. De ces images, « les unes, dit M. 

275. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Vous y avez ajouté, vous en avez supprimé ; sans quoi vous n’eussiez pas fait une image première, une copie de la vérité, mais un portrait ou une copie de copie, (…) le fantôme et non la chose ; et vous n’auriez été qu’au troisième rang, puisqu’entre la vérité et votre ouvrage, il y aurait eu la vérité ou le prototype, son fantôme subsistant qui vous sert de modèle, et la copie que vous faites de cette ombre mal terminée, de ce fantôme. Votre ligne n’eût pas été la véritable ligne, la ligne de beauté, la ligne idéale, mais une ligne quelconque altérée, déformée, portraitique, individuelle ; et Phidias aurait dit de vous : (…) vous n’êtes qu’au 3e rang après la belle femme et la beauté : il y a, entre la vérité et son image, la belle femme individuelle qu’il a choisie pour modèle. […] Convenez donc que ce modèle est purement idéal, et qu’il n’est emprunté directement d’aucune image individuelle de nature dont la copie vous soit restée dans l’imagination, et que vous puissiez appeller derechef, arrêter sous vos yeux et recopier servilement, à moins que vous ne veuillez vous faire portraitiste. […] Mais comme la nature ne nous montre nulle part ce modèle ni total ni partiel, comme elle produit tous ces ouvrages viciés ; comme les plus parfaits qui sortent de son attelier ont été assujettis à des conditions, des fonctions, des besoins qui les ont encore déformés, comme par la seule nécessité sauvage de se conserver et de se reproduire, ils se sont éloignés de plus en plus de la vérité, du modèle premier, de l’image intellectuelle, en sorte qu’il n’y a point, qu’il n’y eut jamais, et qu’il ne peut jamais y avoir ni un tout, ni par conséquent une seule partie d’un tout qui n’ait souffert ; scais-tu, mon ami, ce que tes plus anciens prédécesseurs ont fait. […] Je le pense, du moins en suivant la route qu’ils tiennent ; en n’étudiant que la nature, en ne la recherchant, en ne la trouvant belle que d’après des copies antiques, quelque sublimes qu’elles soient et quelque fidelle que puisse être l’image qu’ils en ont.

276. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Cela donne patience au lecteur et lui rafraîchit, s’il en avait besoin, la mémoire, l’image toute-puissante du héros. […] Plus ordinairement le récit va déroulant à chaque pas les similitudes étendues et fertiles qui associent dans un rapport frappant des images bien contraires, des reflets le plus souvent de la vie civile ou champêtre au milieu des horreurs du carnage. […] Le bouclier d’Achille ne fait que résumer en lui et enserrer plus symétriquement cette opposition d’images. […] D’autres images, celles de lions, de flammes, de tempêtes, reviennent fréquemment, trop fréquemment, on peut le trouver, bien qu’avec des diversités et comme des surcroîts d’énergie et de propriété qui les relèvent.

277. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

L’image du beau, ainsi que celle de la vertu est gravée au fond de nos cœurs ; il n’appartient qu’à nous de la contempler sans cesse ; voilà la véritable jouissance de l’ame, & le plaisir inaltérable ; aussi les gens de Lettres sçavent trouver en eux-mêmes une satisfaction douce & continue, qui n’agite point le cœur, qui ne réfroidit point l’imagination, tandis que les autres hommes jamais détrompés, embrassent dans une volupté passagere un phosphore brillant qui se dissipe. […] Je goûterai tes images tour à tour sublimes & gracieuses, & cette chaîne d’or qui tient l’Univers suspendu devant le maître des Dieux, & la ceinture de la mere des graces, & le sang immortel de Venus qui coule sous la lance du fougueux Diomede, & Junon qui sur le mont Ida enveloppé d’un nuage impénétrable aux rayons du Soleil, désarme dans ses bras le Dieu qui lance la foudre ; tout sera pour moi un tableau de la Nature, tout m’offrira sous d’aimables fictions l’emblême de la vérité. […] Aimable imagination, souveraine de nos esprits, dès qu’on se livre à ton vol enchanteur, l’infortune fuit, les rayons de l’espérance dorent la perspective du bonheur ; l’homme de génie échauffé par toi, se trouve dans son malheureux destin au-dessus de ses revers, & même il les oublie ; il porte en lui un trésor que ne peut lui arracher la Fortune : Animé d’un feu céleste, il exerce sa pensée, elle se repose sur les objets les plus sublimes ou les plus rians, & l’image de ses maux est effacée. […] Je vois Tompson monté sur un Vaisseau prêt à fondre dans l’abîme ; il semble oublier le péril, il contemple les superbes images de cette horrible tempête, ce sombre effrayant qui colore la Nature attristée, & la lueur rapide des éclairs réfléchie sur les eaux ; passionné pour son Art, il s’écrie : O !

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