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1683. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 188-189

Quiconque saura apprécier un style noble sans emphase, correct sans sécheresse, précis sans obscurité ; les richesses du savoir & l’art de les mettre en œuvre sans affectation ; le talent de l’analyse & celui du récit ; la profondeur & la justesse des idées, réunies à la vivacité de l'expression qui les anime & à la netteté qui les rend sensibles, admettra sans peine Madame de Saint-Chamond parmi les la Fayette, les Dacier, les Chatelet, & les autres femmes qui ont honoré leur sexe & notre Littérature par leur imagination ou par leur savoir. […] La seconde n’est, à ses yeux, qu’un esprit d’incertitude, de vertige, de révolte, qui tremble à l’idée d'un Dieu vengeur, qui voudroit se soustraire à son existence pour briser ensuite tous les liens de la Societé, vivre dans l’indépendance de tout devoir, & ne respirer que pour soi dans l’Univers.

1684. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Après une nuit sans sommeil, il courut d’abord au Forum, et il employa plusieurs mois à se familiariser avec ces lieux célèbres : Ce fut à Rome, le 15 octobre 1764, dit-il, comme j’étais assis à rêver au milieu des ruines du Capitole, pendant que les moines déchaussés étaient à chanter vêpres dans le temple de Jupiter, que tout d’un coup l’idée d’écrire la décadence et la chute de la Ville éternelle se présenta pour la première fois à mon esprit. […] Il entre quelque chose d’incomplet, même dans les idées justes que Gibbon énonce à ce sujet. […] Loin de brusquer sa fin, Gibbon se plaît à la prolonger : il achève cette longue carrière presque comme une promenade, et, au moment de poser la plume, il s’arrête à considérer les derniers alentours de son sujet ; il s’y repose. — Il n’a rien du cri haletant de Montesquieu abordant le rivage ; il n’en avait pas eu non plus les élans, les découvertes d’idées en tous sens et le génie. […] Alors seulement la réunion est parfaite, les goûts se communiquent, les sentiments se répondent, les idées deviennent communes, les facultés intellectuelles se modèlent mutuellement ; toute la vie est double, et toute la vie est une prolongation de la jeunesse. […] Il revient plus d’une fois sur cette idée avec ferveur.

1685. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

L’idée religieuse s’éveilla alors dans son âme ; il recourut à Dieu par la prière ; se trouvant à Southampton, où les médecins l’avaient envoyé pour changer d’air et se distraire, il y eut une heure, un moment, où dans une promenade qu’il faisait aux environs avec quelques amis, par une brillante matinée, s’étant assis sur une hauteur d’où la vue embrassait la mer et les coteaux boisés du rivage, il sentit tout d’un coup comme si un nouveau soleil s’était levé dans le ciel et lui éclaircissait l’horizon : « Je me sentis soulagé de tout le poids de ma misère ; mon cœur devint léger et joyeux en un instant ; j’aurais pleuré avec transport si j’avais été seul. » On a souvent noté, dans les conversions qui tardèrent longtemps à s’accomplir, ces signes avant-coureurs et comme ces premières atteintes, ces premiers coups de soleil de la grâce. […] Cette seule idée suffit à bouleverser toute sa machine ; il eut beau faire effort pour se préparer et se mettre en mesure, il avait entrepris au-dessus de ses forces : « Ceux, dit-il, qui sont organisés comme moi, et à qui une exhibition publique d’eux-mêmes, en n’importe quelle occasion, est un poison mortel, peuvent seuls avoir quelque idée de l’horreur de ma situation ; les autres ne sauraient se la figurer. » Des mois se passèrent dans cette lutte pénible et dans cette attente, qu’il a comparée à celle du condamné qui voit approcher le jour de son exécution. […] Une vie si solitaire n’aurait sans doute pas tardé à produire une récidive de mélancolie, s’il n’avait eu l’idée, qu’il jugea une inspiration d’en haut, de se rapprocher d’une famille avec laquelle il avait fait connaissance quelques mois auparavant. […] On s’est demandé s’il n’avait eu à aucun temps l’idée d’épouser Mme Unwin devenue veuve ; il ne paraît pas qu’une telle pensée se soit jamais présentée à leur esprit ni à leur cœur à l’un ni à l’autre : il n’était pour elle qu’un fils aîné et un malade, dont elle savait toutes les souffrantes délicatesses, et au service, à la surveillance duquel, en devenant plus seule, elle s’était tout entière consacrée ; elle n’était pour lui que la plus tendre et la plus intelligente des mères. […] C’est alors que, passant une grande partie de sa journée au jardin, il eut l’idée d’apprivoiser de jeunes lièvres.

1686. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Nous n’insistons sur ces alentours que pour les caractériser, et sans idée de blâme. […] Les épithètes métaphysiques de Mme Valmore m’ont remis en idée ce que j’ai eu le tort de trancher autrefois. […] Pardon et la Crainte, l’idée religieuse se mêle tendrement au poids de la faute, à l’amertume du calice : Mme Valmore n’a jamais proféré en poésie de plus hautes paroles. […] En lisant Mme Valmore, on se fait à cette idée que la vie, l’amour, la poésie et la gloire ne s’échappent qu’en débris. […] « A vingt ans, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer ; mais la musique roulait dans ma tête malade, et une mesure toujours égale arrangeait mes idées, à l’insu de ma réflexion.

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