alors viennent expirer comme aux pieds de cette incarnation, non sans qu’un lien certain les apparente ainsi à son humanité, ces raréfactions et ces sommités naturelles que la Musique rend, arrière prolongement vibratoire de tout ainsi que la Vie. […] Il ouvre, cet incontestable portique, en des temps de jubilé qui ne le sont pour aucun peuple, une hospitalité contre l’insuffisance de soi et la médiocrité des patries : il exalte des fervents jusqu’à la certitude : pour eux ce n’est pas l’étape la plus grande jamais ordonnée par un signe humain, qu’ils parcourent, avec toi pour conducteur, mais comme le voyage fini de l’humanité vers un Idéal.
Il les construit, pour ainsi dire, avec ces métaphores prodigieuses que lui reproche Euripide dans les Grenouilles d’Aristophane : « Grands mots empanachés, hauts comme des montagnes, vers ajustés comme les charpentes d’un navire, âmes doublées de sept cuirs de bœuf » La Barbarie antéhistorique revit dans ces types d’une humanité disparue, moitié monstres et moitié héros, dont la fureur est l’état normal. […] Il les a créés par l’invention de ses poètes, et il envoie ces lions émissaires, chargés, non point des péchés du peuple, comme le Bouc d’Israël, mais des griefs de l’humanité souffrante, rugir contre le ciel à sa place.
Aussi rien ne fut d’abord plus opposé que sa méthode à celle de Montesquieu, toute fondée sur des considérations historiques, et qui tient compte de tous les précédents de l’humanité. […] Il les compare à des pièces de musique qui manquent de l’unité de mélodie : « Les gens de lettres ressemblent trop à la musique sans unité. » Pour lui, dans toute cette première partie de sa vie, et quand on le surprend comme je l’ai pu faire, grâce à cette masse de témoignages de sa main, dans l’intimité de sa méditation et de son intelligence, on le reconnaît et on le salue tout d’abord (indépendamment de ses erreurs) un grand harmoniste social, un esprit qui a sincèrement le désir d’améliorer l’humanité et d’en perfectionner le régime ; qui a en lui, sinon l’amour qui tient à l’âme et aux entrailles, du moins le haut et sévère enthousiasme qui brille au front de l’artiste philosophe pour la grande architecture politique et morale.
Si je demande comment il se fait qu’un enfant innocent hérite des infirmités d’un père coupable, comment croire que l’on répond à cette question en transportant à l’origine de l’humanité ce fait lui-même qui me remplit de pitié et d’horreur ? […] Dès lors, si le mal dans la nature est le résultat de certaines lois physiques nécessaires, pourquoi n’en serait-il pas de même dans l’humanité, et que devient la responsabilité héréditaire ?