/ 2928
1698. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Une mystification si soutenue, qui réclamerait un tel effort, et un effort si disproportionné avec le plaisir ou le profit qu’on en retire, serait, il me semble, au-dessus des forces humaines. […] Cela signifie, je crois, en langage humain, que certaines formes, certains aspects du monde physique font naître en nous certains sentiments, et que, réciproquement, ces sentiments évoquent ces visions et peuvent s’exprimer par elles. […] Au fond, on n’aime Dieu que si on se le représente, sans s’en rendre compte, comme la meilleure et la plus belle créature qu’il nous soit donné de rêver et comme une merveilleuse âme humaine qui gouvernerait le monde. […] Aimer Dieu, c’est aimer l’âme humaine agrandie avec la joie de l’agrandir toujours et de mesurer notre propre valeur à cet accroissement — et aussi avec l’angoisse de voir cette création de notre pensée s’évanouir dans le mystère et nous échapper.

1699. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Au reste, vous l’avez peut-être remarqué : les pessimistes absolus, les « professionnels » du pessimisme sont tous des hommes dont la vie ne fut point exceptionnellement malheureuse, et qui n’eurent tout au plus, de la souffrance humaine, que leur portion congrue. […] N’est-ce pas le propre esprit révolutionnaire des évangiles, candide, tout formé d’amour et totalement dénué de « prudence » humaine ? […] Charpentier, afin d’avoir un peu d’argent pour déménager. » — « Béranger était venu accidentellement pour obliger de son concours une pauvre femme que tu connais… Béranger est un homme humain et loyal, fort simple. […] Ne te semble-t-il pas, mon ange, que la raison vacille plus devant ces prodiges humains que devant les merveilles incompréhensibles de l’Auteur éternel ?

1700. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

J’ai vu beaucoup d’hymens ; aucuns d’eux ne me tentent : Cependant des humains presque les quatre parts S’exposent hardiment au plus grand des hasards ; Les quatre parts aussi des humains se repentent… Ce ne sont pas des souvenirs qui semblent très doux, ce ne sont pas des souvenirs très attendris. […] Je me suis souvent dit que les hommes qui ont inauguré cette méthode de critique, qui consiste à tout connaître et à tout faire connaître de la biographie des hommes illustres, obéissent peut-être à un autre sentiment, qui serait celui de la malignité humaine. […] A la gloire de la littérature, d’abord, et puis de l’espèce humaine en général, il y a de grands hommes de lettres qui résistent à cette dissection, Corneille, par exemple, à très peu près ; Lamartine, presque complètement.

1701. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Les uns donnaient à l’âme humaine, à ses aspirations les plus hautes, à ses regrets, à ses vagues désirs, à ses tristesses et à ses ennuis d’ici-bas, à ces autres ennuis plus beaux qui se traduisent en soif de l’infini, des expressions harmonieuses et suaves qui semblaient la transporter dans un meilleur monde, et qui, pareilles à la musique même, ouvraient les sphères supérieures. […] Alfred de Vigny et à qui il a, le premier, donné d’en haut le signal, cherchaient, un peu systématiquement eux-mêmes, à relever l’esprit pur, les tendances spiritualistes, à traduire les symboles naturels, à satisfaire les vagues élancements de l’être humain vers un idéal rêvé, de l’autre côté on s’est trop tenu sans doute à ce qui se voit, à ce qui se touche, à ce qui brille, palpite et végète sous le soleil.

/ 2928