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1606. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Cette question d’État, qu’on n’explique jamais, pour qui connaît la lâcheté humaine n’est guères que la peur ; et telle fut sans doute, vis-à-vis de Saint-Simon, celle de ce gouvernement de cotillons qui fut le gouvernement de Louis XV. […] Saint-Simon, qui était un fort chrétien et qui croyait au péché originel, la seule explication qu’il y ait de la nature humaine, — et je défie ceux-là qui ne sont pas chrétiens d’en trouver une autre ! […] Écoutez sa voix majestueuse et toute-puissante qui retentit et fait tout taire, dès les premières lignes de ce Mémoire, qui se trouve involontairement un livre sublime : « De tout temps — dit-il — il y a eu des bâtards, parce que de tout temps la nature humaine est corrompue.

1607. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

, ni Balzac, n’ont scruté avec cette vigueur dans les abîmes de l’âme humaine ou dans ses détours… il y a en Hello du de Maistre et du Pascal (déjà nommé), et l’écho de la voix d’Isaïe !  […] Le surnaturel, auquel il croit avec tant de force, n’a transfiguré que son talent, mais l’homme et l’écrivain sont restés sur leurs bases humaines. […] Je disais plus haut qu’il était resté dans ce livre sur ses bases humaines.

1608. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Qu’est-ce en effet que ce Lorenzo « dont la jeunesse a été pure comme l’or ; qui avait le cœur et les mains tranquilles ; qui n’avait qu’à laisser le soleil se lever et se coucher pour voir fleurir autour de lui toutes les espérances humaines, qui était bon, et qui, pour son malheur, a voulu être grand ?  […] Poète qui n’a été qu’un type éclatant de bien des âmes plus obscures de son âge, qui en a exprimé les essors et les chutes, les grandeurs et les misères, son nom ne mourra pas, Gardons-le particulièrement gravé, nous à qui il a laissé le soin de vieillir, et qui pouvions dire l’autre jour avec vérité en revenant de ses funérailles : « Notre jeunesse depuis des années était morte, mais nous venons de la mettre en terre avec lui. » Admirons, continuons d’aimer et d’honorer dans sa meilleure part l’âme profonde ou légère qu’il a exhalée dans ses chants ; mais tirons-en aussi cette conséquence de l’infirmité inhérente à notre être, et de ne nous enorgueillir jamais des dons que l’humaine nature a reçus.

1609. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Nisard flatte peut-être l’esprit français dans la définition générale qu’il en donne, il ne flatte nullement les auteurs français en particulier ; et, tout au contraire, en les comparant, en les confrontant sans relâche un à un avec ce premier idéal qu’il s’est proposé et qu’il a dressé comme une figure grandiose au vestibule de son livre, il leur fait subir la plus périlleuse des épreuves, le plus sévère des examens : plus d’un, et des plus célèbres, y laisse une part de lui-même, la partie caduque, éphémère et mensongère ; et, comme après un jugement de Minos ou de Rhadamanthe, c’est l’âme immortelle, c’est l’esprit dans ce qu’il a eu de bon, de pur, dans ce qu’il a de durable, de moral, de salutaire, de conforme et de commun avec le génie français (une des plus belles représentations de l’esprit humain), c’est cela seul qui survit, qui se dégage et qui triomphe. […] Les genres sont sentis plutôt que définis, et leurs limites plutôt indiquées comme des convenances de l’esprit humain que jetées en travers des auteurs comme des barrières.

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