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2323. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Ô superbes et vagues pensées d’hommes ou de femmes, combien en a-t-on vu ainsi, de ces âmes en peine, aller et venir au lendemain de l’orage comme des hirondelles effarées ! […] Cet homme estimable, intègre, instruit, laborieux, mais sec, épineux et désagréable, est connu, jugé ; il l’est par sa femme même qui, en le louant beaucoup, lui refuse le tact avec lequel on manie les hommes : elle le voulait Caton, et Caton l’Ancien ; il le fut, et avec tous les inconvénients d’un rôle transposé. […] Il fait partie dorénavant du calendrier de Bussy, et il est irrévocablement classé parmi ces maris desquels ce libertin a dit qu’ils se sont tirés d’affaire devant les hommes, mais que, devant Dieu, c’est tout autre chose. […] Encore une fois, Mme Roland, si courageuse qu’elle fût et qu’elle parût à la dernière heure, était femme et ne cessa de l’être, même dans cet acte suprême où elle montra une sérénité qu’auraient enviée bien des hommes. […] Elle comptait y passer tranquillement le reste de ses jours, quand la Révolution appela aux affaires tous les hommes capables, et les ministres comme Roland remplacèrent les ministres comme M. de Calonne.

2324. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

» J’ose avouer que, pour un grand nombre, le résultat de mon plus sérieux examen, c’est que ces hommes-là, en d’autres temps, n’auraient pas écrit du tout. […] Mais, pour ne pas trop prêter notre idée générale, et, comme on dit aujourd’hui, notre formule, à celui qui a été surtout plein de liberté et de vie, prenons l’homme d’un peu plus près et suivons-le dans ses caprices mêmes ; car nul ne fut moins régulier, plus hardi d’élan et plus excentrique de rayons, que cet excellent homme de goût. […] Joubert, jeune encore en 89, vit arriver la Révolution française avec des espérances vastes comme son amour des hommes. […] Il le console, en sage tendre, de la mort d’un jeune enfant : « Ces êtres d’un jour ne doivent pas être pleures longuement comme des hommes ; mais les larmes qu’ils font couler sont amères. […] Cicéron surtout lui revient souvent, comme Voltaire ; il le comprend par tous les aspects et le juge, car lui-même est un homme de par-delà, plus antique de goût : « La facilité est opposée au sublime.

2325. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Car le paradoxe n’est guère qu’apparent, attendu que le philosophe eût été de second ordre, parce que manquant d’envolée et à cause surtout de la grande sensibilité de l’homme. […] Et c’est un homme complexe, malaisément définissable, qui nécessiterait en tout cas plus qu’une formule. […] Que l’homme moral soit donc encore en M.  […] Son scrupule fut supérieur à cet effroi ; ce fut le scrupule d’un homme loyal. […] France, — en observant combien c’est une condition défavorable à ce qu’on pourrait appeler l’éducation métaphysique des facultés affectives, que la nécessité même, pour un homme moderne, d’adhérer de sa mesure à la vie sociale, et, pour un homme de lettres, celle de produire qui est encore moins sympathique.

2326. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Elle est devenue un des principaux attraits et parfois l’âme même de ces petits cercles où hommes et femmes cherchent avant tout leur plaisir. […] Il ne convenait pas que l’homme eût rien de commun avec ce vil animal. […] L’homme de cour triomphe et l’esprit régnant s’incarne, comme toujours, en un type significatif. […] L’âme du cercle, le grand homme du petit groupe, ce n’était pas Corneille ; c’était Voiture, un amuseur. […] C’est bien cet homme-là qu’on pourrait appeler « un confiseur déguisé ».

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