J’entends par roman historique un récit de faits accompagné d’une reconstitution du passé. Le roman historique peut fournir des thèmes d’inspiration très variée. […] Vous n’avez plus le droit de faire du roman historique sans documentation archéologique. […] Il fallait donc s’attendre à voir se dessiner une formule neuve du roman historique. […] La couleur historique a ses adversaires. « Vos visions sont fausses !
On peut s’étonner de trouver en lui un si fervent défenseur de la vérité historique ; et, si l’on voulait, on pourrait trouver dans ce classique renforcé une sorte de romantique avant la lettre, épris de couleur locale. […] La vérité historique est le fondement de la vraisemblance. […] Non pas que le but de l’art soit d’exprimer les personnages historiques dans leur individualité, ni qu’il importe en soi si l’athée s’appelle Énée ou Mézence, ou le fratricide Néron ou Marc-Aurèle : mais ces noms évoquent dans les esprits certaines images indestructibles et irréfrénables, dans lesquelles doit nécessairement se couler l’étude de psychologie générale. Si l’on est occupé à contester la ressemblance historique, on ne regardera pas la vérité humaine du rôle. — Pour la même raison, le poète tiendra compte des différences que les climats, les époques, la civilisation mettent entre les peuples. […] Seulement, pour que rien ne vienne nous distraire du fond, il faut que la forme ne contrarie pas l’idée que nous nous faisons de la réalité historique.
La révolution qui depuis 1820 a changé complètement la face des études historiques, ou, pour mieux dire, qui a fondé l’histoire parmi nous, est apparemment un fait aussi important que l’apparition de quelque nouveau système. […] Plusieurs problèmes importants de critique historique ne seront résolus que quand un érudit intelligent aura consacré sa vie au dépouillement du Talmud et de la Cabale. […] Le manque de livres élémentaires, de manuels renfermant les notions communes et nécessaires 78, de dictionnaires biographiques, historiques et géographiques, etc. réduisait chacun à ses propres recherches et multipliait les erreurs mêmes sous les plumes les plus exercées 79. […] Comte est plus influencé qu’il ne pense par la vieille théorie historique des Quatre empires, qui se trouve en germe dans le livre apocryphe de Daniel 85 et qui, depuis Bossuet, a eu le privilège de former la base de l’enseignement catholique. […] Comte prophétise a priori que l’étude comparée des langues amènera à en reconnaître l’unité comme fait historique, car, dit-il, chaque espèce d’animal n’a qu’un cri.
Au regard historique, il n’est point de société dans la formation de laquelle il n’entre à quelque degré, et dans nombre de cas, loin qu’il entraîne des conséquences défavorables, on va voir qu’il est un des éléments constitutifs de la réalité sociale ou l’un des artifices grâce auxquels elle s’est fortifiée. […] Lorsque l’empire de cette religion est passé ou s’est affaibli, il fait place à la coutume morale, à un ensemble de manières d’être, de conceptions, de préjugés où se marque avec plus de force encore que dans la religion elle-même le caractère distinctif du groupe : car cette coutume morale est un compromis entre le dogme religieux et le caractère que telle ou telle collectivité humaine tient de sa physiologie, de son habitat et des circonstances historiques. […] Il est évident, d’autre part, qu’ils ont un avantage décidé à propager cette indifférence, à nier entre les bonnes les distinctions ethniques, celles qui proviennent du long habitat en commun dans un même lieu de l’espace, d’une même tradition historique et morale, d’une commune nécessité de réagir contre un ensemble déterminé de circonstances selon des modes appropriés. […] Considérant la Grèce et Rome au début de l’époque historique, Fustel de Coulanges a fait voir en effet, et c’est là l’argument même de son livre, que ces cités sont gouvernées par des institutions et par des lois que rien n’explique si l’on n’en recherche l’origine dans une croyance disparue. […] On voit donc par ces deux exemples, à côté desquels on en pourrait citer beaucoup d’autres que les Grecs et les Romains des premières périodes historiques appliquèrent à leur propre gouvernement des règles et des maximes instituées naguère en vue de satisfaire une croyance qui n’existait, plus dans leur âme et des intérêts qui n’étaient plus les leurs.