Un jour Voltaire lui envoie le Jules César de Shakespeare et l’Héraclius de Calderon, à titre de farces ou de folies, pour le divertir et le mettre en belle humeur ; et Bernis répond par une lettre pleine de grâce et de sens : Notre secrétaire (celui de l’Académie) m’a envoyé l’Héraclius de Calderon, mon cher confrère, et je viens de lire le Jules César de Shakespeare : ces deux pièces m’ont fait grand plaisir comme servant à l’histoire de l’esprit humain et du goût particulier des nations. […] Pour moi, c’est ainsi que j’aime à lire les écrits des hommes célèbres et à en tirer ce qu’il y a de meilleur, de plus élevé : il me semble que c’est de la sorte qu’on est le plus vrai, même au point de vue de l’histoire. […] J’ai lu avec soin les principaux ouvrages où il est question de lui comme cardinal membre du conclave de 1769, et depuis comme ambassadeur à Rome pendant plus de vingt ans ; ces ouvrages, qui contiennent des fragments ou même des séries de lettres et de dépêches de Bernis durant cette dernière moitié de sa vie, sont : l’Histoire de la chute des Jésuites, par notre regrettable confrère le comte Alexis de Saint-Priest ; Clément XIV et Les Jésuites, par M. Crétineau-Joly ; l’Histoire du pontificat de Clément XIV, par le père Theiner ; l’Histoire des pontifes Clément XIV et Pie VI, par M. […] Le père Theiner, dans son Histoire du pontificat de Clément XIV, est l’écrivain qui, ayant eu sous les yeux la plus grande partie des dépêches de Bernis, probablement d’après les minutes mêmes recueillies après sa mort et déposées au Vatican, et qui, en ayant fait un usage et un extrait continuel, nous permet d’en porter aujourd’hui le jugement le plus motivé et le plus complet.
Cependant le voilà créé à tout hasard et introduit, bon gré mal gré, dans l’histoire littéraire. […] Hauréau, après M. de Clinchamp, l’a loué, lui a consacré un bon article, dans son Histoire littéraire du Maine ; et un érudit savoisien, M. […] Il y a une loi, je le répète, pour ces sortes de réhabilitations ; les multiplier à tout propos et hors de mesure, ce n’est pas enrichir l’histoire littéraire, c’est l’encombrer. Que diriez-vous si, voulant écrire l’histoire de la poésie au xixe siècle, on allait mettre en ligne un à un, à côté des cinq ou six noms de maîtres qui ont donné le coup d’archet et mené la marche, les auteurs des innombrables recueils de vers, publiés depuis trente ou quarante ans, sous prétexte que dans presque chacun de ces volumes il y a quelque chose ? Ce n’est pas faire l’histoire d’une guerre que de donner les états de service de chaque soldat ou caporal.
Malouet. reprit la reine, n’oubliez jamais son nom. » — Ce mot mérite de rester attaché au nom de Malouet dans l’histoire. […] L’histoire de sa vie, en ces années de l’Empire, est dévolue à son digne petit-fils, qui saura s’acquitter de cette pieuse tâche dans un esprit de vérité et avec mesure. […] Jay sur Raynal, qui est en tête de la dernière édition de l’Histoire philosophique des deux Indes, Notice vague et générale comme on les faisait en ce temps-là, ne contient qu’une seule anecdote neuve tirée d’une lettre de M. de Lally au comte Portalis : on y voit l’abbé Raynal et M. de Lally au naturel, tous deux gens à démonstrations, à grands sentiments et à embrassades. […] Lorsque Raynal mourut, il faisait partie de l’Institut national nouvellement créé, et dans la première séance générale qui se tint au Louvre en toute solennité le 15 germinal de l’an iv (4 avril 1796), Le Breton, secrétaire de la Classe des Sciences morales et politiques, lut sur lui une Notice dont Ginguené a parlé ainsi dans la Décade : « Ceux qui ont une connaissance exacte des secours qu’il avait eus pour la composition de son Histoire philosophique et politique ont trouvé que l’auteur de cette Notice traitait un peu trop problématiquement cette question assez importante, qu’il fallait peut-être résoudre avec une équité sévère. […] « Napoléon. » On ne s’explique une mesure de cette rigueur que par quelque rapport de police sur Malouet, par quelque extrait d’une lettre privée de lui qui aura été interceptée, mais, frappant un si sage et si honnête homme, cet acte du pouvoir absolu, empreint d’humeur et inexpliqué, est de nature à faire plus de tort devant l’histoire à celui qui en est l’auteur qu’à celui qui en a été victime.
Zola : toute la série des Rougon-Macquart, cette histoire naturelle d’une famille sous le second empire, ne nous apprend rien sur la loi de l’hérédité, ne la démontre ni ne l’explique. […] Cherbuliez914 a conté des histoires bizarres, aux aventures compliquées, dosant adroitement la surprise et la sympathie, assez banal en sa psychologie et superficiel en son émotion. […] Il a trop d’adresse et de malice pour donner l’illusion de la réalité : c’est un conteur délicieux, et ce sont ses gestes, sa voix, son sourire, sa fantaisie, que l’on aime dans ses histoires. […] Là, le roman redevient vraiment ce que Taine souhaitait, un document d’histoire morale. […] Les études sérieuses sont éparses surtout dans Monsieur de Camors (1867), Histoire d’une Parisienne (1881), la Morte (1886), les Amours de Philippe (1887), et quelques traits dans Honneur d’artiste (1890). — Edition : Romans, Calmann Lévy, 14 vol. in-18 ; Théâtre, 5 vol. in— 18.