Mais, même avant Talma, et du temps de Brizard ou de Larive, La Harpe sentait bien qu’il y avait là-dessous une force supérieure cachée : « C’est bien heureux, disait-il en parlant de Ducis, que cet homme n’ait pas le sens commun ; il nous écraserait tous. » Personne ne fit, dans le temps, à Ducis les vraies objections ; on lui reprochait de trop imiter Shakespeare, et non pas de l’imiter mal. […] L’ouvrage tournait finalement à la vertu, puisque Farhan n’est pas le vrai frère de Saléma, et Abufar pouvait dire en finissant à tout ce qui l’entoure : Donnez-vous tous la main, et soyez tous heureux ! […] Je ne puis vous dire combien je me trouve heureux depuis que j’ai secoué le monde.
Tout est changé, ton frère est trop heureux. […] Dans le premier cas, s’il n’y a qu’un personnage principal, il est vertueux, ou méchant, ou mixte ; et il passe d’un état heureux à un état malheureux, ou au contraire. […] Dans les fables à double révolution, il faut éviter de faire entrer deux principaux personnages de même qualité, car si, de ces deux hommes également bons ou mauvais, ou mêlés de vices et de vertus, l’un devient heureux et l’autre malheureux, l’impression de deux événements opposés se contrarie et se détruit.
Dans son jugement de Rhadamiste, qui parut en brochure, le critique, après avoir reconnu qu’il y a dans la pièce des traits hardis, heureux, et des situations intéressantes, se met à la suivre scène par scène et à démontrer les invraisemblancesk, les incohérences du sujet, l’action peu liée, les caractères peu soutenus ; il n’en laisse à peu près rien subsister : Enfin, dit-il, je n’ai pas d’idée d’avoir jamais lu une tragédie plus embarrassée, plus fausse, et moins intelligible ; j’ai l’avantage de pouvoir dire ici tout ce que je pense, sans crainte de faire tort à l’auteurl ; car, ou je m’égare dans le jugement que j’expose, et en ce cas le public le vengera de moi, ou le public déférera à mes remarques, et en ce cas même il en rejaillira beaucoup de gloire à M. de Crébillon : on estimera à la vérité un peu moins sa pièce, mais il paraîtra d’autant plus grand, qu’il aura mieux trouvé l’art de fasciner les esprits, en leur cachant les défauts de sa tragédie à force de splendeur et de magnificence. […] Vous ne les verrez jamais citer un endroit heureux, ils ne relèveront jamais une grâce délicate.
Quoi qu’il en soit, sa chute et la révolution qu’elle amena sont proclamées par Jefferson heureuses pour la France et pour le monde. […] Quant au portrait de Jefferson lui-même, nous avons essayé dans ce qui précède, d’en offrir comme au hasard les principaux traits, heureux de convier notre jeunesse à l’étude d’un tel exemple, certain qu’on nous passerait quelque longueur, quand il s’agissait d’un de ces hommes en faveur desquels a prononcé, suivant une belle locution démocratique qu’il emploie, le verdict de leur patrie et du genre humain.