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1633. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

La confiance que la religion statique apportait à l’homme s’en trouverait transfigurée : plus de souci pour l’avenir, plus de retour inquiet sur soi-même ; l’objet n’en vaudrait matériellement plus la peine, et prendrait moralement une signification trop haute. […] Si tous les hommes, si beaucoup d’hommes pouvaient monter aussi haut que cet homme privilégié, ce n’est pas à l’espèce humaine que la nature se fût arrêtée, car celui-là est en réalité plus qu’homme. […] Incapable de s’élever aussi haut, elle esquissera le geste, elle prendra l’attitude, et, dans ses discours, elle réservera la plus belle place à des formules qui n’arrivent pas à se remplir pour elle de tout leur sens, comme ces fauteuils restés vides qu’on avait préparés pour de grands personnages dans une cérémonie. […] Elle porta la pensée humaine à son plus haut degré d’abstraction et de généralité. […] Ainsi put être tracé avec une précision plus haute le chemin de la délivrance.

1634. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIV » pp. 209-212

Saisset a beau dire des injures (car il en a dit) aux sceptiques, aux matérialistes ; il a beau dire que ces systèmes n’ont de prise aujourd’hui que sur les âmes basses et les esprits obtus (page 472), il échappe très-difficilement lui-même et les siens à ce scepticisme qui ne diffère pas notablement du matérialisme quant au résultat moral ; de plus il viole les droits de la philosophie qu’il prétend défendre en s’exprimant de la sorte sur des doctrines peu hautes et peu consolantes à coup sûr, mais envers qui les philosophes proprement dits n’ont pas à se montrer si injurieux.

1635. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXII » pp. 328-331

Or en italien, grâce à Dante et à la faculté qu’a tout poëte moderne de se rapporter à ces hauts exemples et de s’élever au-dessus du niveau du jour, la poésie a gardé son rang suprême, ou du moins elle le recouvre toutes les fois qu’un vrai poëte se rencontre.

1636. (1875) Premiers lundis. Tome III « Armand Carrel. Son duel avec Laborie »

Pour ceux qui connaissent son caractère de droiture, d’énergie et de franchise, ou qui ont apprécié la haute portée de son talent, c’était un besoin de manifester les sentiments d’estime et d’affection qu’ils lui portent : ceux qui partagent ses principes politiques ont dû lui savoir gré de cette généreuse ardeur toujours prompte à relever les provocations ou à venger les injures qui s’adressent à la cause de Juillet ; les hommes de cœur, enfin, qui, sans être attirés vers lui par une communauté d’opinion aussi étroite, ont pris en dégoût les honteuses palinodies qui font le scandale de notre temps, n’ont pu refuser quelque marque de sympathie à un écrivain dont la foi politique, éclairée et persévérante, va jusqu’au sacrifice de la vie.

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