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611. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Sous cette discipline un peuple redoutable s’était formé, cœurs farouches dans des corps athlétiques77, incapables de contrainte, affamés d’actions violentes, nés pour la guerre permanente, parce qu’ils s’étaient trempés dans la guerre permanente, héros et brigands qui, pour sortir de leur solitude, se lançaient dans les entreprises, et s’en allaient en Sicile, en Portugal, en Espagne, en Livonie, en Palestine, en Angleterre, conquérir des terres ou gagner le paradis. […] Des faits ici, toujours des faits, il n’y a rien autre chose ; le Français veut savoir si le héros tuera le traître, si l’amant épousera la demoiselle ; ne le retardez pas dans la poésie ni les peintures. […] Sa femme Philippa servait de modèle aux artistes pour leurs madones ; elle paraissait sur les champs de bataille, écoutait Froissart qui la fournissait de moralités, d’amours, et « de beaux dires » ; à la fois déesse, héroïne et lettrée, et tout cela agréablement, n’est-ce point là la vraie souveraine de la chevalerie polie ? […] En effet, c’est le héros national : Saxon d’abord, et armé en guerre contre les gens de loi, « contre les évêques et archevêques », dont les juridictions sont si pesantes ; généreux de plus, et donnant à un pauvre chevalier ruiné des habits, un cheval et de l’argent pour racheter sa terre engagée à un abbé rapace ; compatissant d’ailleurs et bon envers le pauvre monde, recommandant à ses gens de ne pas faire de mal aux yeomen ni aux laboureurs ; mais par-dessus tout hasardeux, hardi, fier, allant tirer de l’arc sous les yeux du shérif et à sa barbe, et prompt aux coups, soit pour les embourser, soit pour les rendre. […] On se souvient que, dans les ballades, le héros populaire, Robin Hood, ordonne à ses gens d’épargner les yeomen, les gens de travail, même les chevaliers, s’ils sont « bons garçons », mais de ne jamais faire grâce aux abbés ni aux évêques.

612. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Delille fut le héros de ce style : j’ai tâché que le mien convienne aux enfants de la révolution, aux gens qui cherchent la pensée plus que la beauté des mots ; aux gens qui, au lieu de lire Quinte-Curce et d’étudier Tacite, ont fait la campagne de Moskou et vu de près les étranges transactions de 1814. […] et ne me voyez-vous pas, pour prix de mon esquisse, débuter comme finit mon héros Lanfranc ? […] En sortant d’une tragédie où nous aurons vu combattre et mourir ce héros farouche et sanguinaire, le connétable de Montmorency, l’électeur le plus libéral et le plus piqué des tours de passepasse qu’on lui a joués aux dernières é… ne pourra se défendre d’une sorte de curiosité bienveillante, en entendant annoncer dans un salon un Montmorency. […] Faut-il absolument que je m’accoutume à ces héros repoussés d’avance par le législateur du Parnasse, Enfants au premier acte, et barbons au dernier ? […] Si on prolongeait la tragédie beaucoup au-delà, le héros de la fin ne serait plus l’homme du commencement.

613. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Il a sans cesse à, la bouche et devant les yeux les héros de Plutarque. […] Mably écrit153 : « L’histoire de ces deux peuples est une grande école de morale et de politique. » Rollin dit à son tour154 : « Les Romains ont été regardés dans tous les siècles, et le sont encore aujourd’hui, comme des hommes d’un mérite extraordinaire et qui peuvent servir de modèles en tout genre dans la conduite et le gouvernement des États. » Marie-Joseph Chénier155 célèbre ces temps Où des républicains étaient maîtres du monde, Où le Tibre orgueilleux de leur porter son onde Admirait sur ses bords un peuple de héros. Cela fait bien des héros ! […] Tous ces héros futurs en sont-ils sortis ; adieu tribune, éloquence, liberté !

614. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Que l’on se rappelle toutes les physionomies modernes que le romancier a mises dans notre mémoire, les camarades de Frédéric Moreau, les hôtes des Dambreux, le père Régimbard imposant, furibond et sec, Arnoux, la délicieuse héroïne du livre ; puis la figure de Madame Bovary, les grotesques, Rodolphe brutal et fort, les croquis des comices, le débonnaire aspect du mari, et les merveilleux profils de l’héroïne  toutes ces figures et ces statures sont retracées analytiquement, en traits et en attitudes ; ainsi : « Jamais Mme Bovary ne fut aussi belle qu’à cette époque… Ses paupières semblaient taillées tout exprès pour ses longs regards amoureux où la prunelle se perdait, tandis qu’un souffle fort écartait ses narines minces et relevait le coin charnu de ses lèvres qu’ombrageait à la lumière un peu de duvet noir. […] En fait, les plus beaux passages de Madame Bovary et de l’Éducation sont ceux où l’auteur s’exalte à montrer la pensée de ses héroïnes. […] Dans Madame Bovary, le séjour, au château de la Vaubyessard, avec ses minuties d’élégance, la forêt où l’héroïne consomme son premier adultère, le tableau de l’agonie et de l’Extrême-Onction, jettent des éclats entre le restant d’ombre.

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