/ 1830
323. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Eusébie, qui avait commencé l’ouvrage de sa grandeur, eut l’art de le maintenir : elle enchaîna les fureurs de Constance ; et malgré sa renommée, le nouveau César échappa aux assassins. […] tant qu’un prince est vivant, tous les regards sont fixés sur lui ; son rang, les hommages qu’il reçoit, les espérances et les craintes d’un peuple, la pompe et l’appareil qui l’entourent, en font une espèce de colosse qui remplit tout : mais à sa mort, il reprend sa grandeur naturelle ; ensuite il disparaît à mesure qu’il se recule et qu’il s’enfonce dans les siècles.

324. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Quelle grandeur plus gigantesque et plus libre dans ces applications des arts étendues, pour ainsi dire, sur l’échelle d’une nature plus vaste et d’une croissance de nations si rapide qu’elle semble illimitée ! […] Telle fut la grandeur, le caractère original de ces hymnes que la foi chrétienne, que la pitié, que l’espérance prodiguaient au milieu des misères du monde romain expirant ; telle était cette source de ferveur pure et sublime, cette Aréthuse chrétienne qui ne cessait point d’épandre quelques filets limpides sous les flots de la barbarie.

325. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

J’ai cru que cela était bon à te faire connaître, chère compagne de ma grandeur : je n’ai pas voulu te frustrer de ta portion de joie, en te laissant ignorer les grandes destinées qui me sont promises. […] Vos serviteurs ne se regarderont jamais eux-mêmes, les leurs et tout ce qu’ils possèdent, que comme des biens tenus en compte, pour les faire sans cesse, et selon le plaisir de votre grandeur, servir à la balance de ce qu’elle a droit de réclamer comme sien. […] C’était hier, avec la permission de votre grandeur. […] Je le serai, mon amour ; et soyez de même aussi, je vous y exhorte : que votre continuelle attention s’occupe de Banquo ; indiquez sa prééminence par vos regards et vos paroles. — Nous ne serons jamais en sûreté tant qu’il nous faudra sans cesse nous laver de notre grandeur dans ce cours de flatteries, et faire de nos visages le masque qui doit servir à déguiser nos cœurs. […] Rébellion, ne lève point la tête jusqu’à ce que je voie se lever la forêt de Birnam ; et Macbeth, au faîte de la grandeur vivra tout le bail de la nature, et son dernier soupir sera le tribut payé à la vieillesse et à la loi de mort. — Cependant mon cœur palpite encore du désir de savoir une chose : dites-moi (si votre art va jusqu’à me l’apprendre), la race de Banquo régnera-t-elle un jour dans ce royaume ?

326. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

On peut être sceptique tout en s’occupant beaucoup de la grandeur divine ; on peut vivre dans le doute et l’incertitude avec un sentiment religieux très actif et très profond. […] On s’humilie par grandeur même d’esprit, autant que par lassitude de chercher et d’attendre. […] Victor Hugo fit principalement la terre de ce ciel ; et comme la monarchie qu’il avait sous les yeux ne répondait pas à la grandeur de son génie, ni à son âme forte et indépendante, il remonta plus haut dans les siècles, et sa lyre se passionna pour ce Moyen-Âge dont elle voyait le reflet dans notre temps : c’était naïvement qu’elle se passionnait ainsi ; mais on aurait dit que c’était pour dorer ce reflet, ces derniers rayons presque éteints, que sa poésie essayait de rallumer le soleil du Moyen-Âge. […] Ils en furent les soutiens comme des artistes, amants de la gloire et du beau, et par ce côté-là aimant déjà le Peuple ; reliant d’ailleurs, dans leurs idées religieuses, le pouvoir temporel à la bonté céleste, soumettant le devoir et la grandeur des rois à la charité du Christianisme. […] se plaira-t-il à toute cette grandeur contre laquelle ses pères, vassaux révoltés, luttèrent pendant tant de siècles, et qu’ils ont fini par traîner dans la poussière et dans le sang, contre laquelle ses maîtres les philosophes ont prononcé un anathème et un arrêt de mort ?

/ 1830