« La grandeur humaine est extrêmement vantée, mais je n’ai pas vu que l’homme pût être très-grand, en sorte que j’ai renoncé sans peine à être grand ; mais j’ai vu que l’homme pouvait être très-bon, et il faut tâcher d’être bon : je crois que j’eusse pu l’être si j’avais eu des jours moins asservis.
Mais s’il est dans l’univers deux êtres qu’un sentiment parfait réunit, et que le mariage a lié l’un à l’autre, que tous les jours à genoux ils bénissent l’Être Suprême ; qu’ils voient à leurs pieds l’univers et ses grandeurs, qu’ils s’étonnent, qu’ils s’inquiètent même d’un bonheur qu’il a fallu tant de chances diverses pour assurer, d’un bonheur qui les place à une si grande distance du reste des hommes ; oui, qu’ils s’effrayent d’un tel sort.
Mais depuis que ces transactions ont existés entre le présent et l’avenir, entre le sacrifice de la génération actuelle et les dons à faire à la génération future, il n’y a point eu de bornes qu’un nouveau degré de passion ne se crut en droit de franchir ; et souvent des hommes, enclins au crime, croyant s’enivrer des exemples de Brutus, de Manlius, de Pison, ont proscrit la vertu, parce que de grands hommes avaient immolé le crime ; ont assassiné ceux qu’ils haïssaient, parce que les Romains savaient sacrifier ce qu’ils avaient de plus cher ; ont massacré de faibles ennemis, parce que des âmes généreuses avaient attaqué leurs adversaires dans la puissance, et ne prenant du patriotisme que les sentiments féroces qu’il a pu produire dans quelques époques, n’ont eu de grandeur que dans le mal, et ne se sont fiés qu’à l’énergie du crime.
Le romantisme (et c’est là sa grandeur) est tout traversé de frissons métaphysiques711 : de là le caractère éminent de son lyrisme, qui, dans l’expansion sentimentale, et dans les tableaux pittoresques, nous propose des méditations ou des symboles de l’universel ou de l’inconnaissable.