C’est à cette heure l’écrivain dont je me suis aperçu que je me servais le plus comme pierre de touche du goût d’un interlocuteur nouveau « Qu’est-ce que vous pensez d’Adam ? […] Un intuitif de goût peut d’ailleurs ne les apercevoir point et ne se point plaire à Paul Adam. […] Leurs âmes de trafic éperdues déserteraient peut-être la lutte… La force du peuple est là, dans l’alliance avec Dieu. » Un anarchisme catholique, voilà au juste la tendance et le goût de Paul Adam. […] Aussi bien les hommes ne sont sensibles qu’au bonheur qu’ils édifient eux-mêmes ; celui qu’on leur apporte, tout bâti, ils n’ont de goût qu’à le démolir, et ils ont raison. […] Elle est fondée sur le don d’admirer et sur le goût de l’émulation.
Fréron, la Beaumelle & Clément, l’indignation des Défenseurs du goût moderne ; comme de certaines Epigrammes applaudies dans des Cercles où jamais on n’a ri, & qui n’étoient pas non plus propres à faire rire*. […] Car enfin il s’agissoit de prouver au Gouvernement, qu’un Livre dont le but est de réprimer les abus de la Littérature & les scandales de la Philosophie, de rappeler aux loix de la raison & du goût ; qu’un Livre dont tout le crime est de rabaisser tous les Coryphées de la génération nouvelle, & d’attaquer sans ménagement les ennemis de l’ordre & de toute autorité, étoit une œuvre de ténebres, & méritoit l’indignation de l’autorité même. […] Nous avions à parler à des sourds, il falloit nous faire entendre, & nous avons crié fort : nous avions à fixer des Esprits frivoles & inappliqués ; il falloit les servir selon leur goût, & nous avons plaisanté : nous avions des charlatans à dénoncer ; il falloit de la dextérité, de la vigueur, & nous avons tâché d’en montrer. […] Nous nous serions attachés, comme eux, à flatter les passions, à favoriser la licence, à nous asservir à tous les goûts, à pallier les vices accrédités, à déprécier les vertus incommodes, à préconiser enfin tout ce qui eût pu nous appuyer & nous servir. […] Nous avons vu en même temps, par son moyen, d’heureuses révolutions s’opérer dans les esprits ; les Adorateurs du faux goût rendre hommage au véritable, & murmurer contre l’Ecole qui les avoit égarés ; des Sectateurs de l’impiété ouvrir les yeux sur la supercherie de leurs oracles, & détester leurs dogmes corrupteurs ; des Zélateurs de la Philosophie abjurer ses chimeres & convenir de ses dangers ; des Philosophies même rendre secrétement justice à notre zele, & nous faire de singulieres confidences sur les motifs de leurs engagemens dans la Secte qu’ils paroissoient favoriser.
Mais de ce que Properce est érudit et quelque peu difficile à entendre par endroits jusqu’au sein de la passion, la perte de ses étincelantes élégies serait-elle moins pour l’homme de goût une calamité littéraire ? […] Steele et Addison139, et de correspondre avec leur feuille excellente dont le goût tout classique n’excluait le songe ni l’allégorie, voici comment je tournerais la difficulté. […] Et je me demandais (toujours dans mon songe), par un retour sur nos époques paisibles et sûres d’elles-mêmes, si de telles vicissitudes étaient à jamais loin de nous ; si, en accordant un laps suffisant d’années, les révolutions inévitables des mœurs et du goût, sans parler des autres chances plus funestes, n’infligeraient pas aux littératures modernes quelque chose au fond de plus semblable qu’on n’ose de près se l’imaginer. […] Ce sera à la garde de Dieu, et non plus des barbares, mais des gens de goût de ce temps-là.
Ce poète débuta, rare et sensitif, avec un goût de l’exquis, du ténu, du fin et du très fin qui ne fit que s’accentuer jusque, pour s’y épanouir, aux Romances sans paroles. […] Le retour à plus de simplicité (après une recrudescence du goût primordial dans certaines pièces de Jadis et Naguères) s’accuse fortement dans Amour, où se révèle une langue davantage émondée. […] Mais comment nos critiques à tant la ligne pourraient-ils suivre cet exemple, eux, qui manquent de goût pour discerner le beau et qui adorent la réclame au point de s’intéresser plutôt aux œuvres bruyantes qu’aux œuvres vraiment belles ? […] De sorte que c’est le goût du nombre qui l’emporte, et on sait ce qu’il vaut.