Ceux qui l’avaient précédé dans cette carrière, avaient célébré des temps de prospérité et de gloire. […] La Rue fut l’orateur de la cour, dans cette époque qui succéda à quarante ans de gloire, lorsque Louis XIV, malheureux et frappé dans ses sujets comme dans sa famille, ne comptait plus au-dehors que des batailles perdues, et voyait successivement dans son palais périr tous ses enfants. […] On a besoin de votre nom pour faire à nos descendants l’apologie de notre siècle ; ils douteront au moins de ses excès, quand ils sauront qu’il a produit en votre personne ce que nos pères avaient admiré dans les Du Guesclin, les Bayard et les Dunois, pour la gloire des rois, le salut de la patrie et l’honneur de la vertu. » Il n’y a personne qui, dans tous ces morceaux, ne reconnaisse le ton d’un orateur.
Ses années de direction à Rome (1828-1835) forment une époque unique dans sa vie : une fille belle et adorée qui était sa gloire, et dont il a consacré l’image en maint endroit, faisait avec sa mère les honneurs de la Villa Médicis ; devenue Mme Paul Delaroche et morte à la fleur de l’âge, elle devait lui apprendre ce que c’est que la première grande douleur. […] Il faisait payer quelques parties saines, solides et de bonne dialectique, en se répétant à satiété : ce qu’il avait dit une fois, il se faisait gloire de le redire éternellement et dans les mêmes termes. […] Cela vous signale, et les trois quarts des badauds sont tentés de dire : « Voilà un homme qui s’y entend. » C’était la souveraine jouissance de Gustave Planche, et il se la procurait à tout prix, d’autres sont heureux et flattés des affections ou des sympathies qu’ils inspirent : lui, il tirait gloire des répulsions mêmes et des aversions qu’il provoquait. […] Tout peut se dire ; toutes les opinions sincères ont le droit de sortir et de s’exprimer ; il y a, certes, lieu pour des critiques doctes et fins de disserter longuement et de faire mainte distinction à propos d’Horace Vernet ; mais le ton de Gustave Planche parlant d’un homme de ce talent et de cette renommée, d’un homme de ce passé et de cet avenir, qui était à la veille de se développer de plus en plus, et qui allait nous traduire aux yeux notre guerre d’Afrique, nous montrer notre jeune armée en action, à l’œuvre, dans sa physionomie toute moderne et expressive, ce ton est d’une insolence et d’une fatuité vraiment ineffables : « À ne peser que les cendres de sa gloire, s’écrie-t-il, nous les trouvons légères, et nous les jetons au vent ! […] C’est ce qui fait qu’à cause de la vérité même de son rendu, on l’a appelé un trompe-l’œil, comme si ce n’était pas une rare qualité en peinture, la première dans un art d’imitation, que d’imiter ce qu’on a sous les yeux. » Vanité de la gloire et de la réputation, et non-seulement vanité, mais âcreté et amertume !
Lorsqu’on ne commence à connaître un grand homme que dans le fort de sa gloire, on ne s’imagine pas qu’il ait jamais pu s’en passer, et la chose nous paraît si simple, que souvent on ne s’inquiète pas le moins du monde de s’expliquer comment cela est advenu ; de même que, lorsqu’on le connaît dès l’abord et avant son éclat, on ne soupçonne pas d’ordinaire ce qu’il devra être un jour : on vit auprès de lui sans songer à le regarder, et l’on néglige sur son compte ce qu’il importerait le plus d’en savoir. […] Si le statuaire, qui est aussi à sa façon un magnifique biographe, et qui fixe en marbre aux yeux l’idée du poëte, pouvait toujours choisir l’instant où le poëte se ressemble le plus à lui-même, nul doute qu’il ne le saisît au jour et à l’heure où le premier rayon de gloire vient illuminer ce front puissant et sombre. […] Dans l’un de ces voyages, il visita un M. de Châlons, ancien secrétaire des commandements de la reine-mère, qui s’y était retiré dans sa vieillesse : « Monsieur, lui dit le vieillard après les premières félicitations, le genre de comique que vous embrassez ne peut vous procurer qu’une gloire passagère. […] Cette retraite, si elle avait été possible, aurait sans doute mieux valu pour son repos, et peut-être aussi pour sa gloire ; mais il n’avait pas un de ces tempéraments poétiques qui s’imposent à volonté une continence de quinze ans, comme fit plus tard Racine. […] Ils pourroient sauver la gloire Des yeux qui me semblent doux, Et dans mille ans faire croire Ce qu’il me plaira de vous.
La démocratie avait besoin d’une gloire qui rayonnât à jamais d’un nom d’homme sur son berceau : Robespierre ne lui rappelait qu’une grande constance et un grand remords. […] Elle ressemble au drame antique, où, pendant que le narrateur fait le récit, le chœur du peuple chante la gloire, pleure les victimes et élève un hymne de consolation et d’espérance à Dieu ! […] Et peut-on se désintéresser ainsi du culte pour les pures victimes et de l’horreur pour les exécrables bourreaux par une épitaphe de gloire sans choix et sans respect, qui ne fait justice ni aux uns ni aux autres, en chantant l’hosanna à la Révolution et à la nation ? […] Ces condamnations ou ces absolutions en masse ne sont que de splendides dénis de gloire aux victimes et des dénis de justice aux coupables. […] Elle eût été sa gloire s’il avait su la conserver avec la même magnanimité qu’il avait su la contenir.