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561. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

L’autre, encor plus fameux, plus éclatant génie, Fut pour nous, soixante ans, le dieu de l’harmonie. […] Il eut l’attention de placer trois enfants de Pierre Corneille, deux dans les troupes, et l’autre dans l’Église ; il excita le mérite naissant de Racine, par un présent considérable pour un jeune homme inconnu et sans bien ; et quand ce génie se fut perfectionné, ces talents, qui souvent sont l’exclusion de la fortune, firent la sienne. […] » Cette faveur, accordée avec discernement, est ce qui produit de l’émulation et qui échauffe les grands génies ; c’est beaucoup de faire des fondations, c’est quelque chose de les soutenir : mais s’en tenir à ces établissements, c’est souvent préparer les mêmes asiles pour l’homme inutile et pour le grand homme ; c’est recevoir dans la même ruche l’abeille et le frelon. […] Soumet, intitulé l’Incrédulité, entre autres imitations du Génie du christianisme, ce fragment sur les ruines des monuments chrétiens :     « Hé ! […] V, chap. 4] Voici encore un fragment poétique emprunté aux harmonies du Génie du christianisme ; il est extrait d’un poème de M. 

562. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Le génie a manqué à M. Feydeau, et c’est un livre de génie qu’il nous faudrait présentement sur l’adultère. Quand le génie manque, quelquefois la douleur travaille, mais elle ne peut pas le remplacer ! […] Sous une plume de plus de génie ou seulement de plus de moralité que la plume de M.  […] Ernest Feydeau, lui arrive aussi en littérature, car l’homme est d’une unité effrayante, et là comme ailleurs le pur génie de la conscience a cédé au génie troublé, agité, orageux, de la contradiction.

563. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Nul, au premier aspect, ne donnait mieux l’idée du génie adolescent. […] tel qu’il est, le monde l’aime encore… Dans le drame intitulé La Coupe et les lèvres, Alfred de Musset exprimait admirablement, sous la figure de Frank et de Belcolore, la lutte entre un cœur noble, fier, orgueilleux, et le génie des sens auquel il a une fois donné accès. […] Mais, à relire ainsi et à reprendre, maintenant qu’il n’est plus, bon nombre des pièces et des personnages d’Alfred de Musset, on arriverait à découvrir en cet enfant de génie le contraire de Gœthe, de ce Gœthe qui se détachait à temps de ses créations, même les plus intimes à l’origine, qui ne pratiquait que jusqu’à un certain point l’œuvre de ses personnages, qui coupait à temps le lien, les abandonnait au monde, en étant déjà lui-même partout ailleurs, et pour qui « poésie était délivrance ». […] Après les jeux de la passion que devinait cette enfance, elle-même pourtant elle vint, la passion en personne : nous le savons ; elle éclaira un moment ce génie si bien fait pour elle, elle le ravagea. […] Voici ces vers qui ont été depuis imprimés, mais qui n’ont tout leur sens que quand on les voit ainsi tracés par le poète dans une nuit d’abattement et de regret amer, et dérobés, à son insu, par l’amitié : J’ai perdu ma force et ma vie Et mes amis, et ma gaieté ; J’ai perdu jusqu’à la fierté Qui faisait croire à mon génie.

564. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Heureusement qu’ils sont bien inutiles à ceux qui naissent avec un beau génie. […] Et en effet, ils n’avaient pas besoin de la dire puisqu’à cette époque d’enfance heureuse les génies et les foules ôtaient en communion. Mais une loi fatale comporte le divorce des foules et des génies au terme des civilisations. […] Son génie l’emportait naturellement aux œuvres absolues où tout l’homme peut se réaliser dans ses pensées, dans ses sentiments, dans ses sensations  à Salammbô et surtout à la Tentation. […] Mis à part des génies tout puissants comme Pascal et Balzac qui reflétèrent dans le flot profond de leur pensée tout l’art et toute la vie, et des esprits infiniment subtils et délicieux comme Joubert et Stendhal qui se datèrent de l’avenir, tous nos grands ancêtres ont donc coopéré à cette vaste analyse humaine qu’enfin voilà conclue.

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