Il s’appliqua dans sa jeunesse au métier des armes, s’acquit l’estime des généraux sous lesquels il servit, et, arrivé au grade de maréchal de camp, il pouvait prétendre à une plus grande fortune militaire, lorsqu’une lettre de lui, très-spirituelle et satirique, sur la paix des Pyrénées et contre le cardinal Mazarin, lettre adressée au marquis de Créqui et connue seulement de trois ou quatre personnes, fut trouvée dans une cassette déposée chez Mme du Plessis-Bellière, dont on saisissait les papiers. […] Il ne faut pas demander aux hommes de ce temps-là une critique historique bien profonde en ce qui concerne l’Antiquité : il y a bien loin, comme l’on peut penser, de Saint-Évremond à Niebuhr et à Monvnsen ; mais, au sortir des doctes élucubrations du xvie siècle, et en se débarrassant du matériel de l’érudition et des questions de grammaire, il y eut alors quelques hommes de sens qui raisonnèrent à merveille sur les données générales qu’on avait à sa portée et sous la main : on dissertait volontiers sur le caractère des Romains et des Grecs, sur le génie de César et d’Alexandre. […] Saint-Évremond est l’écrivain de son temps qui a le mieux parlé en prose (car on avait Corneille en vers) de ces choses générales de l’Antiquité, et qui a porté les meilleurs jugements sur Alexandre, César, Pyrrhus, Annibal.
Les proportions générales se sentent mieux, et les individus de génie détachent seuls leur tête. […] Préoccupé qu’il est, avant tout, de la stricte déduction, l’écrivain ne se fie pas assez à la liaison générale et au courant simple de l’idée. […] A part le discours sur la Foi d’autorité, où encore ce genre de foi est ménagé par des expressions si générales, et où la vérité se réserve comme pouvant habiter dessous, on va en tous sens dans cette lecture en n’apercevant jamais que le chrétien.
Dans le corps humain, on le sait trop, une humeur âcre, qui est restée longtemps vague et générale, menaçant et affectant toute l’organisation, ne se guérit guère qu’en se jetant et se fixant en définitive sur un point déterminé. […] Sue n’a pas voulu les remplacer, pour ainsi dire, dans la lumière qui seule les complète, ni entrer dans cet esprit général et régnant qui a été comme la longue ivresse et l’enchantement propre de l’époque de Louis XIV ; il y fallait entrer pourtant à quelque degré, sinon pour le partager, du moins pour le juger, et pour y voir personnes et choses dans leur vraie proportion. […] Dans la suite, Cavalier, retiré en Angleterre où il avait le grade d’officier général, écrivit, à ce qu’il paraît, ses Mémoires en anglais ; il y exposa l’ensemble de sa conduite, de ses desseins, les conditions qu’il stipula, assure-t-il, pour les siens, et qu’on n’observa point.
M. le rapporteur, après quelques considérations générales sur l’instruction des classes laborieuses et sur l’institution des bibliothèques populaires, disait : « Au lieu de vous donner un exposé des faits, nous abrégerons en vous lisant la pétition : elle est courte et rédigée en termes si modérés et si convenables que vous aurez désiré la connaître. » Or, cette pétition, dont il donna lecture, contenait une liste d’auteurs et d’ouvrages forts mélangés, tous également présentés comme répréhensibles. […] Si j’étais de M. le Rapporteur, je proposerais de lui renvoyer la pétition pour qu’il ait à stimuler le zèle de MM. les procureurs généraux dans l’interprétation d’un certain article de loi et à les lancer à la chasse des romanciers célèbres. […] J’élargis un peu, en ce moment, le cercle de la discussion ; mais je suis en plein dans la question générale, au cœur de cette question.