Il avait affaire, je le sais bien, à des émeutes, à des foules déchaînées, à ce qui se connaît le moins. Il ne faudrait cependant pas juger absolument des masses et des foules, même aux jours d’orage, par les passions qui se démènent et font fureur aux premiers rangs. Plus d’une fois il dépendit peut-être de Louis XVI, par une autre attitude, par un réveil d’énergie soudaine, par un élan électrique, de tirer de ces foules émues et flottantes les alliés, les amis secrets et honteux qu’elles recélaient.
L’une a prospéré, l’autre a été frappée d’une lettre de cachet ; l’idée qui fait le fond de la première restera longtemps encore peut-être voilée par mille préventions à bien des regards ; l’idée qui a engendré la seconde semble être chaque soir, si aucune illusion ne nous aveugle, comprise et acceptée par une foule intelligente et sympathique ; habent sua fata ; mais quoi qu’il en soit de ces deux pièces, qui n’ont d’autre mérite d’ailleurs que l’attention dont le public a bien voulu les entourer, elles sont sœurs jumelles, elles se sont touchées en germe, la couronnée et la proscrite, comme Louis XIV et le masque de fer. […] Quand il voit chaque soir ce peuple si intelligent et si avancé qui a fait de Paris la cité centrale du progrès, s’entasser en foule devant un rideau que sa pensée, à lui chétif poète, va soulever le moment d’après, il sent combien il est peu de chose, lui, devant tant d’attente et de curiosité ; il sent que si son talent n’est rien, il faut que sa probité soit tout ; il s’interroge avec sévérité et recueillement sur la portée philosophique de son œuvre ; car il se sait responsable, et il ne veut pas que cette foule puisse lui demander compte un jour de ce qu’il lui aura enseigné.
En Italie, on a une foule de panégyriques de cardinaux et de papes, mais la plupart écrits en latin. […] Dans le seizième siècle surtout, on vit naître une foule d’ouvrages destinés à conserver les noms de tous les Italiens célèbres. […] À l’approche du corps, tout le peuple sortit de Florence : à peine le cercueil pouvait fendre la foule. […] On le voyait député en ambassade vers Jules II ; traité avec le plus grand respect par tous les princes de la maison de Médicis ; conversant avec les papes, et assis à côté d’eux, tandis que les cardinaux et tous les courtisans étaient debout ; comblé d’honneurs à Venise, où la république et le doge l’envoyèrent complimenter à son arrivée, on le voyait dans son école comme dans un temple, environné d’une foule d’enfants et de jeunes gens de tout âge, qui lui offraient les essais de leurs travaux ; et lui, comme une divinité, leur communiquant, pour ainsi dire, le génie des arts. […] Ces deux discours furent publiés avec une foule d’inscriptions et d’éloges en vers.
Il a ou il avait des éclairs de nouveauté, de passion, des étincelles d’originalité, surtout une foule de traits heureux, spirituels, malins, de mots qu’il arrange, qu’il aiguise, même lorsqu’il les emprunte, car Latouche manque d’invention et emprunte le plus souvent. […] Latouche s’est rendu célèbre dans la littérature d’il y a quinze ou vingt ans par une foule de traits pareils, malicieux et même (quelques-uns disent) méchants : il a drapé les ridicules de la jeune École d’alors dans un article critique, intitulé la Camaraderie ; mais il a oublié de dire que ces ridicules de coquetterie et de cajolerie poétique, il les avait autant que personne partagés, caressés, — sauf à les dénoncer ensuite avec esprit, avec fiel aussi et âcreté. Latouche a publié autrefois Fragoletta, roman brillanté et lascif, et dans les derniers temps une foule de romans politico-républicains qui n’ont eu aucun succès.