Après avoir relevé la fadeur et le vague des tons, quelques beaux vers perdus dans une foule de vers communs, la vie champêtre vue de trop loin, regardée de trop haut, sans étude et sans connaissance assez précise, il se demande comment M. de Saint-Lambert, qui passe une partie de sa vie à la campagne, n’a pas mieux vu, n’a pas mieux saisi et rendu tant de scènes réelles, de circonstances familières et frappantes : Pourquoi M. de Saint-Lambert n’a-t-il pas trouvé tout cela avant moi ? […] Il a, pour peindre les soins et les vaines agitations des hommes, des images dignes de Lucrèce, mais d’un Lucrèce chrétien : Si nous ouvrons la carte où se déploie le plan étendu du Tout Puissant, nous trouvons une toute petite île, cette vie humaine : l’espace inconnu de l’éternité l’environne et la limite de toutes parts ; la foule empressée explore et fouille chaque crique et chaque rocher du dangereux rivage, y ramasse avec soin tout ce qui lui paraît exceller aux yeux, quelques-uns de brillants cailloux, d’autres des algues et des coquillages ; ainsi chargés, ils rêvent qu’ils sont riches et grands, et le plus heureux est celui qui gémit sous sa charge. […] Un petit nombre abandonne la foule, demande les yeux levés la richesse du ciel, et gagne les seuls biens réels, vérité, sagesse, grâce, et une paix pareille à celle de là-haut… Alors il se met à examiner les différents jeux, ces cailloux de différentes couleurs que s’amusent à ramasser les hommes et qu’ils continuent souvent de rechercher jusque dans la retraite et la solitude : car la plupart ne la désirent que pour s’y plus abandonner à leurs goûts favoris, et pour mieux caresser leur passion secrète.
Je vois devant moi les hommes qui, à des degrés divers, ont donné à la scène française son éclat et ses nuances de nouveauté depuis plus de vingt ans ; ce n’est pas devant ces juges du camp, qui ont pratiqué l’arène, ce n’est pas devant le grand poëte qui me fait l’honneur de me recevoir en ce moment au nom de l’Académie, glorieux champion dans bien des genres, et lui-même l’un des maîtres du combat, que je viendrais étaler et mettre aux prises des théories contradictoirement discutables, tour à tour spécieuses, mais qui n’ont jamais de meilleure solution ni de plus triomphante clôture que ce vieux mot d’un vainqueur parlant à la foule assemblée : Allons de ce pas au Capitole remercier les Dieux ! […] L’intérêt dramatique, qui animait l’œuvre au gré de la foule, vient assez confirmer ce jugement. […] Hommage solennel et attendrissant, quand il est pur des intérêts de parti ou des prestiges de la puissance, quand il s’adresse au simple particulier, et qui atteste sincèrement alors que l’homme de talent qu’on pleure eut en effet avec la foule, avec la majorité des autres hommes, des qualités communes affectueuses, de bons et généreux sentiments, des sympathies patriotiques et humaines !
Votre erreur est de croire que le sentier raide et étroit peut donner passage à la foule. […] La folie romantique est contagieuse ; elle enlève une foule plus facilement que la sagesse classique. La froideur parnassienne, même quand elle recouvre le néronisme d’un histrion impuissant, reste distinguée et inspire aux foules un respect étonné et hostile.
Les habitants de Croissy, de Chatou et de Bougival sont venus en foule apporter à la famille le témoignage de leur sympathie. […] C’étaient, au fond, deux hommes d’un suprême bon sens : seulement Gautier, méprisant les foules, gardait son bon sens pour lui, ou ne le divulguait qu’enveloppé de malicieuses réticences ; tandis qu’Angier allait droit à ces foules : il se révoltait au spectacle des bassesses humaines et des décadences, et les cinglait alors avec des œuvres maîtresses, comme le Mariage d’Olympe, les Effrontés, la Contagion.