On plaisante avec lui et, quand on a pu dérider sa gravité et tenter un tutoiement timide, il semble que vous ayez conquis la fortune. […] Bourges qui, véritablement a écrit les vrais Rois en exil, et nous les a fait voir, non point à travers les cancans de journaux et les petites anecdotes de café de la vie parisienne, mais à travers les épouvantables effondrements des races surmenées qui se pourrissent, des fortunes volées qui se désagrègent, des vices et des crimes longtemps impunis et qui finissent par recevoir leur châtiment, d’autant plus terrible qu’il s’est fait plus attendre. […] M. le vicomte Melchior de Vogüé est un de ces jeunes hommes courageux qui cherchent autre part que dans la fortune et la vanité mondaine d’un beau nom des jouissances ardentes, des intérêts nobles. […] Mais nous ne sommes pas impunément d’un siècle qui a fait de la réclame le plus puissant idéal de la vie, le meilleur, le plus sûr levier de la fortune.
Champfleury se retirait dans la caricature, quand les Goncourt, vieillis et rebutés, se gardaient à l’écart, quand Daudet, ni ami ni ennemi, attendait de prendre parti que la victoire fut décidée, n’a-t-il point crânement attaché sa fortune personnelle à celle du naturalisme ? […] Mieux vaut convenir avec Montaigne « qu’il faut tant de rencontres à les bâtir que c’est beaucoup si la fortune y arrive en trois siècles ». […] Pourtant l’heure de l’idéalisme passera, comme va passer l’heure du réalisme, et c’est la fortune de toutes les écoles que ce continuel déclin et cette continuelle renaissance.
La révolution éclata, et Parny, malgré les pertes de fortune qu’il y fit successivement et qui atteignirent sa paresse indépendante, ne paraît, à aucun moment, l’avoir maudite, ni, comme tant d’autres plus timorés, plus inconséquents ou plus sensibles, l’avoir trouvée en définitive trop chèrement achetée : la ligne littéraire qu’il y suivit invariablement atteste assez qu’elle comblait à certains égards ses vœux encore plus qu’elle ne décevait ses espérances.
Il n’en est rien, et c’est d’eux seuls que dépendra leur histoire : chacun sera l’ouvrier de sa fortune ; le hasard n’a point de prise sur des événements si vastes, et ce sont les inclinations et les facultés nationales qui, renversant ou suscitant les obstacles, les conduiront fatalement chacun à son terme, les uns jusqu’au fond de la décadence, les autres jusqu’au faîte de la prospérité.