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1611. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Ai-je besoin d’ajouter qu’à plus forte raison les sciences naturelles ne décideront pas la question de savoir où nous allons ? […] On ne crierait pas si fort si l’on ne se sentait atteint quelque part. […] Mais il en est des « peuples » comme des hommes : ils meurent… parce qu’ils sont « mortels », quand ils ont fait leur temps, et parce que, fort heureusement, on ne peut pas vivre toujours. […] Un jeune professeur de philosophie, — je l’appelle jeune, parce qu’il me traite en vieillard, — a fort obligeamment relevé cette phrase dans la Revue de métaphysique et de morale, pour se demander si elle n’était pas à l’envers. […] Le bon socialiste dit, lui, que c’est aussi une loi naturelle et scientifique, la loi de justice que le corps social, fait de la puissance de tous, a le devoir d’imposer aux plus forts.

1612. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Au plus fort de sa passion, il imagine encore. […] Comme un cheval trop ardent et trop fort, il bondit, il ne sait pas courir. […] Les fortes émotions sont des accidents dans notre vie ; boire, manger, causer de choses indifférentes, exécuter machinalement une tâche habituelle, rêver à quelque plaisir bien plat ou à quelque chagrin bien ordinaire, voilà l’emploi de toutes nos heures. […] S’il y eut jamais quelqu’un « fort en gueule », c’est lui. […] Sa forte voix virile, —  revenant au fausset enfantin, ne rend plus que les sons grêles — d’un sifflet ou d’un chalumeau.

1613. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Les génies abondants et forts sont comme ces villes populeuses qui croissent vite et qui reculent tous les dix ans leur enceinte. […] Il y en aurait plutôt dans certaines incorrections grammaticales, dans quelques-unes de ces négligences de rime et de langue, que le poëte (a dit autrefois Nodier) semble jeter de son char à la foule en expiation de son génie, et qu’en prenant une plus pastorale image je comparerais volontiers à ces nombreux épis que le moissonneur opulent, au fort de sa chaleur, laisse tomber de quelque gerbe mal liée, pour que l’indigence ait à glaner derrière lui et à se consoler encore. […] Plus tard, quand Jocelyn a triomphé de cette maladie à laquelle se termine le manuscrit de ses confidences, quand il est tel que le Botaniste l’a connu, ses nuits sont calmes ; toute fièvre de passion ou d’incertitude a cessé : il ne reste plus de lui que le ministre de charité, l’homme des admirables paraboles qu’il débite à son troupeau ; et, s’il ne maudit pas le Juif, si l’on sent qu’il n’aurait d’anathème, ni contre le vicaire savoyard, ni contre un confrère vaudois de l’autre côté des Alpes, ce n’est pas doute ni tiédeur de foi, c’est qu’il est de ce christianisme assurément fort justifiable, de ce christianisme clément, comme Jésus, au bon Samaritain. […] Ce serait une assez neuve et utile manière de caractériser Lamartine, et de renouveler l’étude tant de fois faite de sa poésie, que de le comparer d’un peu près avec ces deux grands lakistes, qu’il connaît fort légèrement sans doute, et desquels il se rapproche et diffère par de frappants endroits. […] Lamartine, très-probablement, ayant fait le même pèlerinage, eût entonné son hymne d’actions de grâces, au sommet, sans s’arrêter à cette comparaison, fort belle d’ailleurs, mais cherchée, de l’oiseau et du poisson, avec l’âme qui monte, tandis que le corps est étendu immobile. — S’il arrivait devant la hutte d’un Highlander, avec une femme, une dame, pour compagne de voyage, qui marquerait quelque répugnance à entrer dans cette hutte enfumée, il la lui décrirait avec détail, avec grâce, comme il fait pour Valneige, et se complairait bientôt magnifiquement à la bénédiction de Dieu sur les cœurs simples qui y sont cachés, mais sans trop s’arrêter et sans plus revenir à l’hésitation de sa compagne.

1614. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Le terme expiré, à l’heure et à la minute, la contrainte marche, et les collecteurs, quoique aisés, se gardent bien de la renvoyer en la payant, quoique, au fond, cette garnison soit fort chère. […] Naturellement, « les habitants emploient les ruses les plus fines et les mieux combinées pour se soustraire » à des droits si forts. […] Ce qui rend la charge accablante, c’est que les plus forts et les plus capables de la porter sont parvenus à s’y soustraire, et la misère a pour première cause l’étendue des exemptions. […] Sous ce régime qui accable les faibles pour alléger les forts, plus on est capable de contribuer, moins on contribue  C’est l’histoire du quatrième et dernier impôt direct, je veux dire de la taxe en remplacement des corvées. […] On nous faisait bien espérer que cela finirait, mais tous les ans cela devenait plus fort.

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