III Maintenant, supposons qu’au lieu de m’appesantir sur ce mot Tuileries et d’évoquer les diverses images qui lui sont attachées, je lise rapidement la phrase que voici : « Il y a beaucoup de jardins publics à Paris, des petits et des grands, les uns étroits comme un salon, les autres larges comme un bois, le Jardin des Plantes, le Luxembourg, le bois de Boulogne, les Tuileries, les Champs-Élysées, les squares, sans compter les nouveaux parcs qu’on arrange, tous fort propres et bien soignés. » Je le demande au lecteur ordinaire qui vient de lire cette énumération avec la vitesse ordinaire : quand ses yeux couraient sur le mot Tuileries, a-t-il aperçu intérieurement comme tout à l’heure quelque, fragment d’image, un pan de ciel bleu entre une colonnade d’arbres, un geste de statue, un vague lointain d’allée, un miroitement d’eau dans un bassin ? […] Cette résistance n’a fait que de se répéter plus forte quand l’image a reparu. — Prolongez et variez l’épreuve : vous trouverez dans le mot un système de tendances toutes correspondantes à celles de l’image, toutes acquises par lui dans son commerce avec l’expérience et l’image, mais à présent spontanées, et qui opèrent tantôt pour le rapprocher, tantôt pour l’écarter des autres mots ou groupes de mots, images ou groupes d’images, expériences ou groupes d’expériences. — De cette façon, le nom tout seul peut tenir lieu de l’image qu’il éveillait, et, par suite, de l’expérience qu’il rappelait ; il fait leur office et il est leur substitut.
Renan, dans sa préface, « ne réclame pour ces pages qu’un mérite, celui de montrer dans son naturel, atteint d’une forte encéphalite, un jeune homme vivant uniquement dans sa tête et croyant frénétiquement à la vérité ». […] Il est sans doute fort inutile de le dire, mais il fallait que cela fût dit.
Et il procède avec intelligence, combinant bien les faibles et les fortes ; seulement il se maintient trop dans l’atmosphère pure du lyrisme, oh détonne cet accent de prose qu’il indique pourtant expressément par la suppression de la capitale initiale, mais qu’il semble pourtant encore démentir par cette autre suppression des détails de la ponctuation. […] Gustave Kahn est aujourd’hui fort diverse, et pour écarter tout ce qui n’appartient pas à son labeur de poète, il est encore difficile, sinon impossible, d’esquisser en lignes hâtives ce qui fait le caractère particulier de sa physionomie.
VII De même qu’au sein des religions une foule d’hommes manient les choses sacrées sans en avoir le sens élevé et sans y voir autre chose qu’une manipulation vulgaire ; de même, dans le champ de la science, des travailleurs, fort estimables d’ailleurs, sont souvent complètement dépourvus du sentiment de leur œuvre et de sa valeur idéale. […] Ce serait une barbarie de refuser à ces humbles travailleurs ce petit plaisir mesquin, peu élevé, mais fort doux, que M.