A force d’avoir versé sa douleur dans ses lettres, de l’avoir mêlée à seslectures, promenée dans la campagne et partout épandue, il l’avait presque tarie ; si bien que Mme Arnoux était pour lui comme une morte dont il s’étonnait de ne pas connaître le tombeau, tant cette affection était devenue tranquille et résignée. » En cette forme de style Flaubert s’exprime dans ses romans, quand apparaît une scène ou un personnage qui l’émeuvent ; dans Salammbô et la Tentation, quand l’exaltation lyrique succède au récit. […] La phrase s’ébranla décrit son orbe et s’arrête, avec la force précise d’un rouage de machine, et sans plus de souci, semble-t-il, de la besogne à accomplir. […] L’énorme tension intellectuelle qu’exigeait cette sorte de phrase, le fit concentrer en elle, en sa facture et en sa disposition rhythmique, la plupart de ses forces, et le rendit moins attentif à la composition générale. […] Cette force de son intelligence purement vocabulaire, et à laquelle ses sens restés normaux et actifs n’apportaient qu’un contingent d’images ou défectueuses, ou hostiles, jamais animatrices ne pouvant s’employer à la description de la réalité, ou la faussant quand elle s’y adonnait, le contraignit, par une échappatoire et par un compromis ; à faire un livre d’archéologie, où tous les faits sont exacts, mais où tous les faits ne se trouvent pas, et sont choisis de façon à fournir au plus magnifique style de ce temps, la faculté de se librement déployer.
Il s’assoit sur le rivage élevé des mers, comme dit Homère, et il demeure seul, immobile et muet, à regarder et à écouter les flots ; et s’il essaye, en présence d’un tel spectacle, de se parler à lui-même, il cherche involontairement une langue qui lui rappelle la grandeur, la profondeur, la mobilité, le sommeil, le réveil, la colère, le mugissement, la cadence de l’élément dont son âme, à force d’émotions montées de l’abîme à ses sens, contracte un moment l’infini. […] Et dans cette immense conception tous les détails sont, en naïveté, en force ou en grâce, égaux à la majesté de l’ensemble. […] Ces coursiers efflanqués et amaigris n’auront ni la force ni la rapidité nécessaires pour me conduire en un jour au royaume de Damayanti.” […] Faisons des vœux, ajoute-t-il, pour que cette poésie nouvelle, à force d’être antique, et qui présente des traits de ressemblance et souvent de supériorité avec la poésie des Grecs, soit associée un jour à ces œuvres de la Grèce dans l’enseignement de la jeunesse. » Nous disons comme lui.
Il y a des beautés de la nature et de l’art qui s’incorporent tellement en nous par la force de l’impression reçue qu’elles pétrifient en quelque sorte notre esprit d’admiration, et que nous les portons à jamais en nous comme la pierre taillée porte son empreinte. […] VII Talma était alors un homme assez massif, mais très noble dans sa force, de cinquante à soixante ans. […] Heureux si, sur son temple achevant ma vengeance, Je puis convaincre enfin sa haine d’impuissance, Et, parmi les débris, le ravage et les morts, À force d’attentats perdre tous mes remords ! […] L’inspiration le saisit à la vue de cette faiblesse derrière laquelle il voit tout à coup la force de Dieu.
Si la jeunesse reste éternellement grâce, elle ne sera jamais force ; si elle reste éternellement espérance, elle ne sera jamais réalité ; si elle reste éternellement promesse, elle ne sera jamais fructification. […] Quand les anciens, nos maîtres en tout, parce qu’ils ont marché les premiers, voulurent exprimer dans une seule figure la suprême beauté physique de l’homme, ils ne sculptèrent pas un enfant, ils sculptèrent Apollon, le dieu de la beauté à trente ans ; ils sculptèrent Hercule, le dieu de la force à quarante. […] Don Juan est Espagnol d’origine, puis Allemand de conception, puis Anglais d’exécution ; il sera certainement Français tôt ou tard d’imitation, quand le poète sera né assez enthousiaste pour s’élever au sublime, assez corrompu pour se moquer de son enthousiasme, assez souple pour se précipiter de l’empirée dans l’égout sans se casser les reins dans ce tour de force. […] la poésie se dégradant au tour de force comme une danseuse de corde !