Je voulais être, si cela m’était possible, le dramaturge du plus vaste événement des temps modernes, le Thucydide d’une autre Athènes, le Tacite d’une autre Rome, le Machiavel d’une autre Italie : je m’en sentais imaginairement la force en moi ; le lyrisme pieux et élégiaque de ma première jeunesse s’était promptement transformé en moi, comme autrefois dans Solon, en une vigueur de réflexion politique qui me passionnait pour les sujets historiques plus que pour les poèmes du cœur et de la pensée. […] Paris et Rome se ressemblent ; les temps répètent les temps, et la France, pour avoir laissé ses efforts vers la réforme du monde politique dégénérer en convulsions démagogiques, ne se retrouve plus de force pour faire de sa liberté, modérée par la règle, un gouvernement. […] Aussi je ne me déclarai point républicain, mais populaire, et dans un discours prononcé à un banquet célèbre qui me fut donné à Mâcon par les délégués de trois ou quatre provinces réunies (banquet littéraire qu’il ne faut pas confondre avec les banquets politiques organisés par la coalition parlementaire), dans ce discours, dis-je, qui fit tressaillir la France par la hardiesse des idées et de l’accent, je conclus à dompter la monarchie par la force de l’opinion, et non à la détruire. […] Voici, entre mille autres, un exemple de l’attention scrupuleuse et infatigable que j’apportai dans mon travail à être intéressant force d’être vrai.
Il connaît ce que Dieu m’a mis au cœur, j’avais besoin de sa force pour le suivre. […] « Hier s’est passé sans que j’aie pu te rien dire, à force d’occupations, de ces trains de ménage, de ces courants d’affaires qui emportent tous mes moments et tout moi-même, hormis le cœur qui monte dessus et s’en va du côté qu’il aime. […] Les traits sont beaux comme l’homme qu’on a rêvé, mais jamais vu, — l’Antinoüs mystique. — Son regard perce la nuit et porte à son Père toutes les supplications de la terre ; le vent de la miséricorde, qui souffle à lui, fait onduler sa barbe et ses cheveux comme la sainte ferveur de l’invocation ; le corps s’affaisse sous la force dépensée de la prière, ses pieds crispés prient comme ses mains, ses genoux à demi renversés cherchent en vain leur aplomb parmi les dalles concassées, effondrées, soulevées sur le sol par le récent tremblement de terre ; toute la nature, quoique maintenant sereine et attentive, est dans l’expectative de sa prochaine convulsion. […] Je ne voudrais pas te quitter, mais de force.
Sauf dans un petit nombre de pièces qui ont tiré de ces idées mêmes la force et le naturel qui les a fait durer, le fond et les détails sont fournis par le moment, par les mœurs, par le tour d’esprit particulier de l’époque. […] Sainte-Marthe disait qu’Amyot, « en portant la langue au plus haut point de pureté dont elle semblait capable, n’avait guère moins acquis de gloire par cette voie que s’il avait conquis de nouvelles provinces par l’épée, et étendu les limites du royaume130. » Huet le loue « d’avoir apporté dans sa traduction tant d’esprit et tant de bonnes dispositions, tant de subtilité et tant de politesse, qu’on peut dire qu’il a été le premier qui ait montré jusqu’où pouvaient aller les forces et l’étendue de notre langue131. » — « Quelle obligation dit Vaugelas, ne lui a point notre langue, n’y ayant jamais eu personne qui en ait mieux su le génie et le caractère que lui, ni qui ait usé de mots ni de phrases si naturellement françaises, sans aucun mélange des façons de parler des provinces, qui corrompent tous les jours la pureté du vrai langage français ! […] Cette disposition est commune à tous les bons esprits de ce temps tous, en présence de ces affirmations violentes, qui s’entre-détruisent tour, à tour, selon les chances de la force, cherchent la vérité, qui, en face de l’affirmation, se manifeste d’abord par le doute. […] Il y a d’ailleurs de frappantes analogies entre les deux époques de grandes choses qui finissent, la religion et la société politique dans l’empire romain, le catholicisme du moyen âge, et la féodalité dans la France du xvie siècle ; de grands bouleversements, des révolutions, le règne de la force, qui détache les esprits méditatifs d’une société où personne n’a protection, et les ramène sur eux-mêmes ; le même doute aux deux époques par des causes différentes ; dans Rome en décadence, parce que les vieilles croyances y sont éteintes et laissent l’homme en proie à lui-même ; dans la France du seizième siècle, parce qu’on est placé entre d’anciennes formes qui disparaissent et un avenir qu’on ignore.
Hugo s’attache à définir plus nettement deux pensées antagonistes, amène la comparaison entre les deux termes ainsi heurtés de force, et définis par la révélation de propriétés hostiles. […] Hugo : A force de diviser son attention entre les deux termes contradictoires qu’il oppose sans cesse, de sauter de chaque objet à son opposé, de tout diversifier et de tout confondre, il semble comme si M. […] Elles lui font concevoir trois sortes d’âmes : celles qui sont unes et nues, invariables pendant toute leur existence factice, nettes de tout mélange, constituées comme une force physique ou un corps simple, par une seule tendance et une seule substance. […] On peut poursuivre ce travail pour tous les mots anthithétiques, depuis lumière-ténèbres, desquels sont omis les dégradations crépusculaires, jusqu’à matière-esprit, que relient les manifestations de plus en plus subtiles de la force.