Le tyran qui les épie à leur insu, et qui, les perçant à la fois du même glaive, confond dans un même ruisseau leur sang sur la terre et dans un même soupir leur première et leur dernière respiration d’amour ; Le ciel qui les châtie avec une sévérité morale, mais avec un reste de divine compassion, dans un autre monde, et qui leur laisse au moins, à travers leur expiation rigoureuse, l’éternelle consolation de ne faire qu’un dans la douleur, comme ils n’ont fait qu’un dans la faute ; La pitié du poète ému qui les interroge et qui les envie (on le reconnaît à son accent) tout en les plaignant ; Le principal coupable, l’amant, qui se tait, qui sanglote de honte et de douleur d’avoir causé la mort et la damnation de celle qu’il a perdue par trop d’amour ; la femme qui répond et qui raconte seule pour tous les deux, en prenant tout sur elle, par cette supériorité d’amour et de dévouement qui est l’héroïsme de la femme dans la passion ; Le récit lui-même, qui est simple, court, naïf comme la confession de deux enfants ; Le cri de vengeance qui éclate à la fin de ce cœur d’amante contre ce Caïn qui a frappé dans ses bras celui qu’elle aime ; Cette tendre délicatesse de sentiment avec laquelle Francesca s’abstient de prononcer directement le nom de son amant, de peur de le faire rougir devant ces deux étrangers, ou de peur que ce nom trop cher ne fasse éclater en sanglots son propre cœur à elle si elle le prononce, disant toujours lui, celui-ci, celui dont mon âme ne sera jamais « désunie » ; Enfin la nature du supplice lui-même, qui emporte dans un tourbillon glacé de vent les deux coupables, mais qui les emporte encore enlacés dans les bras l’un de l’autre, se faisant l’amère et éternelle confidence de leur repentir, buvant leurs larmes, mais y retrouvant au fond quelque arrière-goutte de leur joie ici-bas, flottant dans le froid et dans les ténèbres, mais se complaisant encore à parler de leur passé, et laissant le lecteur indécis si un tel enfer ne vaut pas le ciel… Quoi de plus dans un récit d’amour ? […] Là chaque muraille forme une dent qui se perd en s’ébréchant dans le bleu sans fond du firmament. […] Pendant que vous contemplez tout ébloui ce spectacle, vous croyant seul entre ciel et terre à mille pas au-dessus des séjours humains, une musique vague, ou plutôt une brise psalmodiée, entremêlée d’un bourdonnement de voix d’enfants et de femmes, vous arrive, à travers les myrtes et les pins, du fond d’une caverne qui s’ouvre à gauche dans les vastes échancrures du rocher taillé à main d’homme. […] ” » « Mes yeux », continue le poète, « tombèrent sur la claire fontaine ; mais, en m’y reconnaissant, je les reportai sur l’herbe, tant la honte me chargea le front. — Telle qu’une mère paraît sévère à son fils, telle elle me paraissait alors, parce que la saveur d’une compassion supérieure est mêlée d’une certaine amertume ; — comme la neige soufflée et amoncelée par les vents du nord se congèle sur les épaules de l’Italie, — puis, liquéfiée, se fond sous elle-même, lorsque la terre qu’elle ne recouvre plus l’amollit de sa respiration, comme la cire se fond à la flamme ; — ainsi restai-je sans larmes ni soupirs avant d’avoir entendu le chant de ceux qui accompagnaient toujours de leur harmonie les évolutions des astres éternels. […] La tête du poète se trouble, les paroles lui manquent ; il compare lui-même l’anéantissement de son esprit : « À la neige qui fond et se distille au soleil, au vent qui expire dans les feuilles légères et immobiles, aux oracles de la sibylle qui se perdent dans leur obscurité.
Le progrès n’est selon lui que l’apparition successive, sur le théâtre de l’histoire, des trois idées qui sont le fond même de la raison : l’idée de l’infini, celle du fini, celle du rapport entre le fini et l’infini. […] Athéisme, matérialisme, préoccupation exclusive du fini, des avantages terrestres, des plaisirs des sens, voilà le fond du caractère et de l’esprit chinois. […] Et qu’est-ce au fond que cette idée de parfait, principe et mesure de nos jugemens moraux, sinon l’idée de Dieu ? […] Au fond, Aristote tient pour l’immutabilité des espèces, ou tout au moins de certains types essentiels qui marquent à ses yeux comme les échelons de la vie dans la nature. […] C’est au fond l’âme qui crée le corps, comme c’est l’attrait de la perfection divine qui crée le progrès dans la nature et peut-être la nature elle-même.
Ceci devient sérieux et de ton et de fond : « Il est bien difficile de n’être pas sérieux au fond, disait le prince en une de ses Pensées, si ce fond n’est pas, comme chez quelques gens, à la superficie. » Il était royaliste, non par préjugé, mais par réflexion et par principes.
Ira-t-il les discuter, les examiner en eux-mêmes, entrer dans le fond des preuves ? […] La corruption et la licence est la plaie qui atteint la tête du corps social et qui va prendre les âmes par le fond. […] Il ne m’appartient pas de faire le rigoriste, ni de m’inscrire contre cette magie de l’expression et de la parole qui faisait que Voltaire ici ne se formalisait pas du fond : pourtant, Massillon n’est-il pas un peu jugé par ce goût même si déclaré que Voltaire avait pour lui, et par cette faveur singulière dont il jouissait de ne pas déplaire à l’adversaire ?