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1673. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Camille Rousset vient de nous donner l’histoire, jeune homme charmant et sage, sur qui reposaient toutes les espérances du maréchal et tout l’avenir de cette race des Fouquet, ainsi restaurée et ressuscitée du fond de l’abîme. […] Il avait montré comment une bonne armée se crée et s’organise, il nous montre aujourd’hui comment elle se fond et se défait ; on sait mieux, après l’avoir lu, ce qu’il faut entendre par ces mots de corruption et de décadence ; on s’en fait une trop juste idée, en même temps qu’on sait aussi faire la part des exceptions, de la valeur, du désintéressement et de l’intégrité, qui se personnifient en quelques nobles figures, même aux plus tristes moments de cette monarchique histoire.

1674. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Pas un mot de politique, ceci seulement : quand on est bien persuadé (et c’est peut-être fort triste) que l’art de gouverner les hommes n’a pas dû changer malgré nos grands progrès, et que, moyennant ou nonobstant les divers appareils plus ou moins représentatifs et soi-disant vrais, au fond cet art, ce grand art, et le premier de tous, de mener la société à bien, de la conserver d’abord, de l’améliorer et de l’agrandir s’il se peut, ne se pratique jamais directement avec succès qu’en vertu de certains résultats secrets d’expérience, très-rigoureux, très-sévères dans leur équité, très-peu optimistes enfin, on en vient à être, non pas indifférent, mais assez indulgent pour les oppositions de systèmes plus apparentes que réelles, et à accorder beaucoup, au moins quand on n’est que simple amateur, à la façon : je rentre, on le voit, en pleine littérature. […] Et quant au fond, il ne sera pas sans intérêt ici de parler de ces leçons du malheur qu’il a touchées d’un mot.

1675. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Comme un cœur pur de jeune fille Qui coule et déborde en secret, A chaque peine de famille, Au moindre bonheur, il pleurait ; A voir pleurer sa fille aînée ; A voir sa table couronnée D’enfants, et lui-même au déclin ; A sentir les inquiétudes De père, tout causant d’études, Les soirs d’hiver, avec Rollin ; Ou si dans la sainte patrie, Berceau de ses rêves touchants, Il s’égarait par la prairie Au fond de Port-Royal-des-Champs ; S’il revoyait du cloître austère Les longs murs, l’étang solitaire, Il pleurait comme un exilé ; Pour lui, pleurer avait des charmes. […] C’est le cas de Racine lorsqu’on vient à lui en quittant Molière ou Shakspeare : il demande alors plus que jamais à être regardé de très-près et longtemps ; ainsi seulement on surprendra les secrets de sa manière : ainsi, dans l’atmosphère du sentiment principal qui fait le fond de chaque tragédie, on verra se dessiner et se mouvoir les divers caractères avec leurs traits personnels ; ainsi, les différences d’accentuation, fugitives et ténues, deviendront saisissables, et prêteront une sorte de vérité relative au langage de chacun ; on saura avec précision jusqu’à quel point Racine est dramatique, et dans quel sens il ne l’est pas.

1676. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Boileau en est la preuve : il imite, il traduit, il arrange à chaque instant les idées et les expressions des anciens ; mais tous ces larcins divers sont artistement reçus et disposés sur un fond commun qui lui est propre : son style a une couleur, une texture ; Boileau est bon écrivain en vers. […] Ajoutons seulement que, sans trop modifier le fond de notre jugement sur les odes, qui n’est guère après tout que celui qu’a porté Vauvenargues (Je ne sais si Rousseau a surpassé Horace et Pindare dans ses odes : s’il les a surpassés, j’en conclus que l’ode est un mauvais genre, etc., etc.

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