Cadre et fond, caractères et milieux, tout est d’une vérité fine dans ces œuvres sans précédent et sans postérité. […] Molière : sa vie L’œuvre de Molière est objective et impersonnelle : on ne saurait se dispenser pourtant de jeter un coup d’œil sur sa vie, qui nous aide à comprendre comment ses comédies offrent un si solide fond d’observation morale. […] Mais, au fond, ce que n’admettent pas La Bruyère, Fénelon et Vauvenargues, c’est que Molière n’emploie pas le langage des honnêtes gens, le langage épuré des précieuses et de l’Académie, qu’on parle dans les salons et qu’on écrit dans les livres. […] La plaisanterie de Molière est, en son genre, analogue au sublime de Corneille : c’est un jaillissement vigoureux du caractère se révélant tout d’un coup en son fond.
On ne sait pas encore se priver des ornements de l’érudition profane et des coquetteries de l’esprit mondain : mais cela recouvre un fond solide de théologie, et n’étouffe point les ardeurs de la foi et de la charité. […] Le fond des sermons de Bossuet est l’explication du dogme. […] Car il unit à un fond d’amples ou profondes vérités, de principes universels et transcendants, une forme concrète, colorée, vivante, de fortes et nettes images, des symboles immenses et saisissants. […] La sincérité de son zèle et de sa charité unit, fond tous ces éléments, et maintient la simplicité dans cette éloquence que l’on sent un peu lourdement voulue.
Elles étaient pour lui parlantes et frappantes comme les personnes… Cette âme qui se dégage des milieux de l’homme avait un écho au fond de Charles… Cette sensitivité nerveuse, cette secousse continue des impressions, désagréables pour la plupart, et choquant les délicatesses intimes de Charles plus souvent qu’elles ne le caressaient, avaient fait de Charles un mélancolique… Charles n’avait qu’un amour, qu’un dévouement, qu’une foi : les lettres. […] Au fond, ils n’aiment pas raconter ; ils ne peuvent souffrir le labeur d’un récit suivi, avec des passages nécessairement plus éteints, des transitions d’un épisode à l’autre. […] Voici un paysage de MM. de Goncourt : La lune pleine, rayonnante, victorieuse, s’était tout à fait levée dans le ciel irradié d’une lumière de nacre et de neige, inondé d’une sérénité argentée, irisé, plein de nuages d’écume qui faisaient comme une mer profonde et claire d’eau de perles ; et sur cette splendeur laiteuse, suspendue partout, les mille aiguilles des arbres dépouillés mettaient comme des arborisations d’agate sur un fond d’opale… Anatole prit à gauche… Il était dans une petite clairière. […] MM. de Goncourt écriront donc : « Elle se mit à regarder, dans l’obscurité pieuse, des agenouillements de femmes, leur châle sur la tête…, des vautrements de paysans enfonçant de leurs coudes la paille des chaises…, un prosternement général…, des prières de jupes de soie et de jupes d’indienne côte à côte couchant presque leurs génuflexions par terre…40 » — Ils écriront, toujours dans le même système : « Cette sculpture des poses, des lassitudes, des absorptions… Le tableau la frappa surtout des confessions élancées de femmes qui, debout…41 » — «… Des adorations d’hommes et de femmes à quatre pattes…42 » — « Et je ne voyais qu’une sauvage et toute brute idolâtrie, un peu de la ruée de l’Inde sous une idole de Jaggernat43. » — « Un mur de colère, gâché de couleurs redoutables, plaquait au fond l’avalanche et le précipitement des damnés…44 » — « Sur l’escalier se faisait l’ascension lente et balancée, la montée sculpturale des Romaines…45 » — « Leurs femmes étaient là… immobilisées… dans un arrêt qui hanchait 46. » Notons, pour finir, l’emploi presque continuel, dans le récit, de l’imparfait au lieu du passé défini, l’imparfait ayant quelque chose d’indéterminé et prolongeant l’action pour nous permettre de la mieux voir et de la suivre.
La théologie chrétienne et la théologie juive ayant suivi au fond deux marches parallèles, l’histoire de l’une ne peut bien être comprise sans l’histoire de l’autre. […] Mais il les traite avec beaucoup de liberté ; tantôt il fond ensemble deux anecdotes ou deux paraboles pour en faire une 70 ; tantôt il en décompose une pour en faire deux 71. […] Son évangile est celui dont la lecture a le plus de charme ; car à l’incomparable beauté du fond commun, il ajoute une part d’artifice et de composition qui augmente singulièrement l’effet du portrait, sans nuire gravement à sa vérité. […] Profondément inégales et d’autant plus divines qu’elles sont plus grandes, plus spontanées, les manifestations du Dieu caché au fond de la conscience humaine sont toutes du même ordre.