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374. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Il en résultait que les lumières des anciens sages se pouvaient considérer déjà comme l’aurore de la foi, et que, sans mettre assurément au nombre des Pères de l’Église primitive Confucius, Zoroastre, Pythagore, Héraclite, Socrate et Platon, on les considérait jusqu’à un certain point comme des préparateurs évangéliques et qu’on ne les maudissait pas. […] L’auteur commence par rechercher historiquement les idées générales, universellement répandues dans l’Antiquité, de sacrifice, d’offrande, de désir et de besoin de communication avec un Dieu toujours présent, qui ont servi de préparation et d’acheminement au mystère ; mais, au milieu des digressions historiques et des distinctions dogmatiques fines ou profondes, il mêle à tout moment de belles et douces paroles qui sortent de l’âme et qui sont l’effusion d’une foi aimante. […] Le jeune comte Albert de La Ferronnays avait épousé une jeune personne russe, Mlle d’Alopaeus, de la religion luthérienne, et il désirait vivement l’amener à la foi.

375. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Les démocrates modernes parlent sans cesse de la foi démocratique, de la religion démocratique. La foi est sans doute une chose excellente dans l’ordre surnaturel, mais ici-bas elle n’est pas trop à sa place. […] Ce cri d’alarme indique bien que l’école démocratique elle-même est aujourd’hui ébranlée dans sa foi sans bornes à la souveraineté absolue de l’État, et qu’elle est envahie par l’individualisme.

376. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Le lecteur doit s’abandonner d’abord à une sympathie instinctive ou voulue, pour l’auteur ; le poète doit s’abandonner d’abord à son inspiration, à sa verve, à sa foi en lui, à sa sympathie pour lui-même en tant qu’artiste ; — le lecteur doit ensuite se faire critique, raisonner, comparer, juger, discuter ; l’auteur doit ensuite se faire critique, réveiller le critique qui est en lui, examiner, comparer, raisonner, discuter, juger ; — le lecteur doit enfin admirer, s’il y a lieu, ce qui a comme passé successivement par sa sympathie et par sa critique ; l’auteur doit enfin approuver et même admirer, s’il y a lieu, ce qu’il a conçu dans la foi et dans l’amour, ce qu’il a contrôlé et redressé ensuite à l’aide de son sens critique. Foi, critique, admiration, il y a trois phases, qui sont les mêmes que, et le lecteur et le poète, doivent traverser successivement pour arriver, l’un à la pleine admiration, l’autre à la pleine réalisation du vrai ou du beau.

377. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Alfred de Vigny n’eut point cette lâcheté ou ce courage de se jeter dans les bras de la Foi, puisque la Certitude est comme la Vénus de Milo, et n’a pas de bras dans lesquels l’homme puisse trouver un asile… Alfred de Vigny, le poète, fut moins violent, moins exaspéré que le géomètre et le logicien ; mais, désespéré, il le fut davantage… Il fut Pascal, mais moins la foi. […] Nous inventons une foi, nous nous la persuadons, nous voulons la persuader aux autres, nous les frappons pour les y contraindre… » Sentez-vous le cavalier de marbre ?

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