Mme de Pontivy était plus charmante ce soir-là que de coutume ; la mode des paniers, qu’elle adoptait pour la première fois, faisait ressortir la finesse d’une taille qui n’en avait pas besoin ; une langueur plus douce semblait attendrir sa figure, soit que ce fût l’effet de la poudre légère répandue sur ses boucles de cheveux jusque-là si bruns, soit que ce fût déjà un peu d’amour. […] Il faut dire encore que la figure et la situation de Mme de Pontivy commençaient à faire bruit ; que ce dévouement, si naturel chez elle et si simple, allait lui composer, sans qu’elle y songeât, une existence à la mode, et que Mme de Noyon, d’abord indifférente ou contrariée, s’accommodait déjà mieux, dans sa vanité de tante, d’une nièce à réputation d’Alceste.
La famille y est constituée aussi fortement que chez nous : tous ces barons sont mariés canoniquement ; Ysengrin a pour femme Hersent, Renart Ermeline ; Madame Fière la lionne figure aux côtés de Noble le lion, roi, comme il est juste, de la féodalité animale. […] C’étaient des contes, sans prétention et sans intention autre que d’amuser, qui racontaient les actions, les luttes, les méfaits et les malheurs des animaux : de ces contes, dont les premiers éléments remontaient aux plus lointaines origines des peuples européens ; les uns venaient de l’Orient, comme ceux où figure le lion, d’autres venaient du Nord, comme ceux dont l’ours était avant le loup, le primitif héros.
M. de Camors mis à part, presque toutes ces figures s’effacent et se mêlent un peu après qu’on les a vues. […] Si bien que ce qui se dégage des histoires du plus spiritualiste et du mieux élevé de nos romanciers, et surtout de quelques-unes de ses figures de femmes, c’est, qu’il le veuille ou non, une conception purement déterministe de l’animal féminin.
La Bruyère voyait les habitudes, et, au lieu de visages échauffés par la passion, agrandis ou rapetissés outre mesure par les événements, des figures au repos, où les passions, devenues des manières d’être de chaque jour, avaient laissé des traces et comme gravé des rides ineffaçables. […] La conformité du lecteur avec le livre est donc complète ; il y retrouve tout ceux qu’il connaît, et il y figure de sa personne.