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450. (1757) Réflexions sur le goût

Ce n’est pas seulement à quelque défaut de sensibilité dans l’âme ou dans l’organe, qu’on doit attribuer les faux jugements en matière de goût. […] Ainsi, sur une impression confuse et machinale, ou bien on établira de faux principes dégoût, ou, ce qui n’est pas moins dangereux, on érigera en principe ce qui est en soi purement arbitraire ; on rétrécira les bornes de l’art, et on prescrira des limites à nos plaisirs, parce qu’on n’en voudra que d’une seule espèce et dans un seul genre ; on tracera autour du talent un cercle étroit dont on ne lui permettra pas de sortir.

451. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

dans l’atmosphère d’une société fausse, on prend un masque pour mieux respirer. […] Seulement, si la spontanéité de ses facultés passait bien souvent par-dessus les faux cadres dans lesquels posait sa pensée, nul ne put croire tout d’abord que, la plume à la main, cette Belle Impétueuse, qui se faisait un peu trop de rayons autour de la tête avec ses longs tire-bouchons d’or pût se maintenir, comme en ces Lettres parisiennes, femme du monde spirituelle, moqueuse et adorablement frivole, dans cette simplicité qui devait être une compression, et que nous avons tant admirées dans Mlle Mars, à la scène, car le talent de Mme de Girardin dans ses Lettres parisiennes rappelle le jeu de Mlle Mars, comme dans ses Poésies les cris de Mme Desbordes-Valmore rappellent le pathétique de Dorval.

452. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

Si vous les regardez sérieusement, elles sont ennuyeuses comme tout ce qui est faux. […] Tout périssait sous cette vapeur de la serre chaude de Rambouillet, sous cette asphyxie de madrigaux et de bel esprit, sans cette charmante La Fayette, que toutes leurs mignardises n’avaient pu étioler et qui un jour balaya toutes leurs fausses fleurs avec un bouquet de fleurs vraies (la Princesse de Clèves).

453. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Voici les paroles que l’on trouve presque en tête du livre qu’il publie sous le titre un peu gascon de l’Esprit dans l’histoire : « Je me donne là, — dit-il avec un joli mouvement de faon dans les bois, — je me donne là, je le sais, un labeur rude et téméraire ; et cependant, tant est vif mon désir de démolir le faux et d’arriver au vrai, tant est grande ma haine pour les banalités rebattues, pour les raisons non prouvées, pour le scandale et pour les crimes sans authenticité, je voulais étendre mon travail au-delà des limites que je me suis assignées ; mais j’ai reculé devant cet effort après l’avoir mesuré. […] En effet, avec tout ce qui fausse ou entrave en toute chose le jugement des hommes, avec tout ce qui cache à leurs faibles yeux la pointe de la vérité, avec tous les impedimenta de l’histoire, et les passions, et les partis, et les dauphins, et leurs précepteurs, et les bourgeois qui ont remplacé les dauphins, et les Martin qui ont remplacé les Bossuet, ce n’est pas qu’il y ait dans l’histoire quelques déplacements d’anecdotes, quelques reflets des autres temps, quelques inventions, quelques préjugés, quelques misères, qui doit étonner, mais c’est plutôt qu’il n’y en ait pas beaucoup plus !

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