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605. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Nisard me paraît avoir très-bien exprimé ce compromis dans ce passage : « Si la pensée a eu quelque chose de trop timide au xviie  siècle sur certaines matières de grande conséquence, le xviiie  siècle y supplée et rend à l’esprit humain, avec la liberté, la vérité. […] Ce sont, ou des vérités descriptives, ou des vérités de sentiment intime, ou des vérités de peintures domestiques, ou enfin des vérités historiques, politiques, philosophiques : ce sont ces vérités nouvelles, exprimées dans une langue inégale sans doute et dégénérée, mais tantôt brillante, tantôt ardente, tantôt molle et mélodieuse, tantôt austère et nerveuse, qui assurent à la littérature du xixe  siècle, malgré ses défauts, une sorte de solidité, et lui permettent de soutenir avec quelque honneur la comparaison avec les siècles précédents. […] Le génie est essentiellement créateur : il consiste à découvrir une part de vérité non encore aperçue et à l’exprimer dans une forme non encore essayée.

606. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Deux autres de ces drames : Othello et Shylock, sont des traductions de Shakespeare qui sont à peu près ce que serait le Jugement dernier de Michel-Ange copié par Raphaël, mais n’expriment du génie qui les traduit que la grande souplesse dans la grande pureté. […] C’est une autobiographie, — prise à la source même de de toute autobiographie, — qui est la pensée exprimée, la sensation notée, le cri jeté, à mesure qu’on vit ! […] Lui, le malheureux, le fut toujours, et il l’est encore lorsque sa poésie exprime tout autre chose que le désespoir.

607. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Pour exprimer une telle doctrine, il faut une langue souple et mobile, fine et flottante, quelque peu nuageuse. […] Exprimées en langage exact, de telles idées paraissent changer de physionomie et n’être plus elles-mêmes ; la précision est contraire à leur nature : la mobilité universelle ne saurait s’exprimer sans contradiction par des signes déterminés. […] Fénelon a exprimé cette doctrine dans l’une des phrases les plus belles et les plus profondes du Traité de l’existence de Dieu. […] Ce parfait, dont elle est elle-même le germe, est son Dieu ; la nature aspire à la pensée, et cette pensée, qui s’exprime en elle sans qu’elle le sache, est son âme. […] — Depuis la publication de cette note, un livre remarquable a répondu au vœu que j’exprimais.

608. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Qu’y a-t-il donc qu’elle ne puisse exprimer ? Si quelquefois elle est obligée d’employer plusieurs mots, pour rendre ce qu’un seul exprime en grec, quelquefois en revanche, elle sera assez heureuse pour renfermer dans un seul mot le sens de plusieurs expressions grecques. […] Mais qu’y a-t-il qu’elle n’exprime avec la force et les graces propres au sujet ? […] Pour la précision, j’ai tâché de n’employer aucune épithéte, qui n’exprimât quelque circonstance utile et du sujet. […] J’ai dégagé les discours de tout ce que j’ai crû contraire à la passion qu’ils expriment, et j’ai essayé d’y mettre cette gradation de force et de sens, d’où dépend leur plus grand effet.

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