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1171. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Il ne suffit pas d’exprimer en style correct des idées nobles et profondes pour faire œuvre d’art ; l’art n’est le plus souvent que secondaire pour les moralistes ; il est pour eux un moyen et non un but ; c’est une différence essentielle, qui devrait assigner aux moralistes une place particulière dans l’architecture d’une histoire littéraire. […] Depuis dix ans j’ai de plus en plus le sentiment que ma méthode, très simple dans ses grandes lignes, infiniment complexe dans le détail, répond précisément aux réalités de la vie, pour autant qu’il est possible d’exprimer en mots rigides cette fermentation perpétuelle, dont le bouillonnement nous enchante et nous déroute, comme les flots de la mer qui se brisent sur le rivage, selon des lois éternelles, et dont l’œil ne perçoit que la ligne changeante et l’écume fuyante.

1172. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

On conçoit un sentiment profond, on ne trouve point de rime ; il s’en présente une pour exprimer une pensée ordinaire ; on s’y refuse d’abord, on s’échauffe la tête pour rallonger, raccourcir, tourner, retourner sa phrase. […] On voit en opposition la Muse libre & la Muse entravée ; l’une toute entière à son sujet, l’autre attentive à ce que dira le parterre : les personnages des Tragédies Françoises sont obligés de parler pour se faire connoître ; dès que les personnages de Shakespear paroissent, ils s’expriment sans dire mot. […] Dans les ouvrages d’imitation on peut néanmoins s’attacher trop à la vérité, c’est-à-dire que l’Ecrivain, en voulant copier la nature, peut se fatiguer trop à exprimer chaque trait particulier de l’objet. […] Les mots dans l’origine d’une langue ont plus de brièveté, & expriment plus de choses à la fois. […] Pour écrire, a dit quelqu’un, il faut avoir une connoissance commencée de tous les Arts & ne point confondre les idées & les termes qui les expriment.

1173. (1888) Portraits de maîtres

Chateaubriand n’avait pas assez souffert pour exprimer la souffrance, ce qui allait être le grand besoin du siècle. […] Il obtint la grâce d’exprimer admirablement pour la Franc ce que Goethe et Schiller avaient supérieurement exprimé pour l’Allemagne, ce que Byron allait traduire pour l’Angleterre. […] Ce fut lui qui le premier proscrivit de son vocabulaire les épithètes vagues et banales, osa tout voir, tout exprimer. […] À la capacité de sentir et d’exprimer se joint ici la faculté de faire vivre, le don créateur. […] On voit du reste cet idéal s’exprimer dans Mauprat et dans bien d’autres romans à la suite.

1174. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Ces dispositions sont plus ou moins développées, plus ou moins capables de s’exprimer. […] Les uns avaient voulu que chaque homme fût forcé de s’exprimer comme tous, d’autres en vinrent à ne plus attacher d’importance à l’expression des idées et aux formes du langage. […] C’est de la manière dont elles affectent l’homme que dépend la manière dont il s’exprime. […] Peut-être aucun auteur jusqu’alors n’avait-il manqué à un tel point de raison dans les idées, et de mesure dans la manière de les exprimer. […] Il sut y répandre un intérêt doux et des sentiments exprimés avec charme et vérité.

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