Passage de l’histoire philosophique à l’expression de la vie : Thierry. […] Il saisit très adroitement dans les documents originaux l’expression colorée qui date et caractérise le récit, qui contient comme l’âme du passé : mais, malgré tout, il n’est pas suffisamment artiste. […] A cette sensibilité extrême il unissait tous les plus rares dons de l’artiste : la puissance d’évocation, l’imagination « visionnaire », qui obéissait à toutes les suggestions d’une sympathie effrénée, l’expression intense et solide, qui fixait le caractère en dégageant là beauté.
Il a dans la pensée et dans l’expression des trouvailles charmantes, mais qui sont toujours les trouvailles d’un touriste myope. […] Il est vrai que ce bon petit Bouhélier prétend le faire « geindre avec une sévère expression de majesté ». […] » L’incohérence n’est pas rare : « Jamais je n’y consentirai en ce moment. » Ni l’incorrection la plus ignorante ou la plus étourdie : « Ils nous ont dit qu’il ne fallait pas convoiter le bien d’autrui, se montrer charitables, ne pas tenir aux choses. » Partout flottent des ombres d’idées banales et l’expression, qui n’est pas plus vivante, ne parvient pas à saisir un seul de ces fantômes.
Joubert un singulier élève, un élève épuré, finalement platonicien et chrétien, épris du beau idéal et du saint, étudiant et adorant la piété, la chasteté, la pudeur, ne trouvant, pour s’exprimer sur ces nobles sujets, aucune forme assez éthérée, aucune expression assez lumineuse. […] Il demandait un agrément vif et doux, une certaine joie intérieure, perpétuelle, donnant au mouvement et à la forme l’aisance et la souplesse, à l’expression la clarté, la lumière et la transparence. […] En fait d’expression, il préfère encore le sincère au beau et la vérité au simulacre : La vérité dans le style est une qualité indispensable, et qui suffit pour recommander un écrivain.
Parmi ces orateurs de la chaire moderne, dont quelques-uns, dont l’un du moins (M. de Ravignan) pourrait lutter avec lui de chaleur vraie, de sympathie et d’onction, il n’en est aucun qui, par la hardiesse des vues et l’essor des idées, par la nouveauté et souvent le bonheur de l’expression, par la vivacité et l’imprévu des mouvements, par l’éclat et l’ardeur de la parole, par l’imagination et même la poésie qui s’y mêlent, puisse se comparer au père Lacordaire. […] Avec lui on est souvent dans le hasard, dans le péril de l’expression ; mais on se rassure bientôt, quand on s’y est accoutumé. […] Mais aujourd’hui, quand on lit Bourdaloue (s’il faut être sincère), avec toutes ses qualités saines, solides, mais que ne relèvent en rien l’invention du détail et la fleur de l’expression, il ennuie.