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1507. (1864) Études sur Shakespeare

Elle en retint le désordre comme l’énergie, et jusqu’au milieu du xviie  siècle, sa littérature, aussi bien que ses institutions, en fut l’expression sincère. […] Accoutumé par le goût de son siècle à réunir souvent les idées et les expressions par leurs relations les plus lointaines, il en contracta l’habitude de cette subtilité savante qui aperçoit tout, rapproche tout et ne fait grâce de rien ; elle a gâté plus d’une fois la gaieté de ses comédies comme le pathétique de ses tragédies. […] Si les sonnets de Shakespeare devaient être regardés comme l’expression de ses sentiments les plus habituels et les plus chers, on s’étonnerait de n’y jamais rencontrer un seul mot relatif à son pays, à ses enfants, pas même au fils qu’il perdit à l’âge de douze ans. […] Bien que cette malencontreuse réparation ait eu l’inconvénient d’altérer la physionomie du portrait de Shakespeare, elle n’a cependant pu tout à fait effacer, dit-on, cette expression de douce sérénité qui paraît avoir caractérisé la figure comme l’âme du poëte. […] Tant de sentiments, tant d’intérêts, tant d’idées, conséquences nécessaires de la civilisation moderne, pourraient devenir, même sous leur plus simple expression, un bagage embarrassant et difficile à porter dans les évolutions rapides et les marches hardies du système romantique.

1508. (1887) Essais sur l’école romantique

que de subtilités d’expression, si minces et si menues, que l’esprit n’en peut rien saisir ! […] Ensuite, ce sont, pour la forme, quelques expressions pénibles, ça et là de l’exagération, un travail de mots, l’horreur du commun poussant le poète à des hardiesses très aventureuses, à côté de vers admirables de grâce, de naïveté, de sévérité. […] Enfin, après qu’elle a reçu sa pleine expression, il reste encore des vers et du nombre, qui en sont comme un lointain écho ; de même, après que la corde a cessé de vibrer et que le son s’est évanoui, ce n’est pas encore du silence ; l’oreille n’entend plus, mais l’âme croit entendre encore. […] C’est que les personnes n’en sont pas toute la matière, et qu’au milieu d’analyses plus ou moins sûres de talents particuliers, il y a une grande place donnée aux principes, dont la recherche et l’expression intéresseront toujours les bons esprits. […] Vous coulez en bronze, me disait l’un (j’ai dû retenir une si belle expression, comme vous pensez bien). — Vos articles sont des livres, me disait l’autre. — Vous êtes le critique de l’époque, m’écrivait un troisième, que j’avais beaucoup loué. — Il y a du Pascal dans votre style, m’insinuait un quatrième.

1509. (1911) Études pp. 9-261

La métaphore est l’expression de la perpétuelle primitivité du monde ; elle en est l’incessante modulation. […] De cette âpreté et de cette solitude de la joie, on trouve l’expression dans la forme même des Hymnes. […] Comme en chaque accord se condensait le parfum de toute une chaîne d’harmonies, de même en chaque phrase s’enferme l’expression de tout un passage mélodique. […] Des sentiments incertains il peut y avoir une expression précise ; il ne faut que la trouver. […] Je loue Gide d’avoir osé l’expression de cette joie.

1510. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Selon lui, ses derniers préceptes ne sont que l’éloge et l’expression de ses vertus mêmes, et c’est dans l’honneur d’approcher Mme de Maintenon qu’il a trouvé la source de ces bienséances si délicates, réduites ici en règles et en principes. » C’est ainsi que les choses s’accommodent avec un peu de complaisance ; cet abbé Nadal faisait le prophète après coup. […] Il est besoin, selon une expression heureuse, de faire l’esprit, de faire le goût : l’étoffe un peu roide a besoin d’un certain usé pour acquérir toute sa souplesse et son délicat. […] Il avait le sentiment du mieux et de la perfection dans l’expression, même en causant. […] Madame de Sablé usait volontiers de la première de ces expressions, dire des choses, donnant à entendre que la manière relève tout et fait tout passer ; c’était sentir d’avance comme Voltaire : La grâce, en s’exprimant, vaut mieux que ce qu’on dit.

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