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1237. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Si nous voyons une personne huit ou dix fois, le contour de sa forme et l’expression de son visage se trouvent à la fin bien moins nets dans notre esprit que le lendemain du premier jour. […] Pareillement quand je songe à une personne que je connais, ma mémoire oscille entre vingt expressions différentes ; le sourire, le sérieux, le chagrin, le visage penché d’un côté ou d’un autre ; ces différentes expressions se font obstacle ; mon souvenir est bien plus net lorsque je n’en ai vu qu’une pendant une minute, lorsque, par exemple, j’ai regardé une photographie ou un tableau.

1238. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Toutefois je pense que l’effort cérébral assez modeste exigé par le choix des expressions dans une version ou un thème latin, ou par la lecture des ouvrages de l’antiquité classique, ce répertoire des grands lieux communs sur lesquels vit en somme l’humanité depuis des siècles, est merveilleusement approprié à la vigueur d’un jeune cerveau encore en formation. […] La plupart des expressions scientifiques que nous employons en médecine sont dérivées du latin ou du grec. Dernièrement encore, interrogeant un élève, d’ailleurs studieux, et voyant avec étonnement qu’il ne comprenait pas le sens de l’expression employée par moi, je lui demandais : Vous ne savez donc pas le latin ?

1239. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

que celui du plus grand Bel-Esprit qui ait paru parmi nous, se roulant, sans égard pour lui-même, dans un cercle perpétuel d’expressions les plus basses & les plus odieuses, & ne répondant à ses adversaires qu’à l’aide des épithetes les plus atroces, telles que celles d’Energumene, de Radoteur, de Cuistre, de Polisson, de Gredin, d’Escroc, de Voleur, de Pédéraste, & de tant d’autres, que nous rougirions de répéter ! […] entre les sentences, les maximes, les tours fins & délicats, les expressions ingénieuses, les beaux sentimens qu’il exprime si énergiquement dans plusieurs endroits de ses Ouvrages, & ce débordement de fiel & de malignité, ce tissu d’indécences, de mensonges, de calomnies, répandues sur tant d’Ecrivains de mérite, Etrangers, Nationaux, Prélats, Militaires, de tous les Ordres & de tous les Etats, qui n’ont eu d’autre tort, à son égard, que de n’avoir pas pensé comme lui, & d’avoir osé l’écrire ! […] Ses pensées, ses expressions, ses jugemens, si on les compare les uns les autres à mesure qu'ils se présentent, sont moins de lui, que du Génie qui l'inspiroit alors : peu d'Auteurs, au style près, paroissent moins appartenir en propre à eux-mêmes : à force d'avoir tous les caracteres, il n'en a aucun.

1240. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

On me le peint encore, dans cette même demi-teinte à la fois fidèle et adoucie, arrivant tard à la littérature sérieuse, ne s’y naturalisant qu’avec effort ; s’en distrayant souvent ; s’essayant de bonne heure à des sujets de poésie plus ou moins imités de l’anglais, de l’allemand, à de petites pièces remarquables de ton et de coloris, mais où l’expression trahissait la pensée, et qu’il a corrigées et retravaillées depuis, sans les rendre plus parfaites et plus faciles ; « nature exquise pour l’intelligence, avec des moyens de manifestation insuffisants ; point d’amour-propre en tête-à-tête, humble aux observations dans le cabinet, douloureux et hargneux devant le public ; généreux de mœurs et désintéressé, mais faisant mille tours à ses amis et à lui-même. » D’un cœur ardent, passionné, d’un tempérament vif et amoureux, il avait un grand souci de sa personne et de tout ce qui mène à plaire. […] Chez M. de Latouche, à tout moment, il y a de ces malheurs et de ces travers d’expression, qui gâtent ce qu’un vers charmant faisait espérer. […] Ce témoignage indulgent d’une femme poète (Mme Desbordes-Valmore) s’accorde bien avec celui de Mme Sand, même pour l’expression : « Cette âme, a dit Mme Sand, n’était ni faible, ni lâche, ni envieuse, elle était navrée, voilà tout. » Ces deux charités de femmes poètes se sont rencontrées dans une même explication adoucie : nous autres hommes, nous sommes plus durs et plus sévères.

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