/ 2203
1142. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Je ne ferai que peu de remarques sur ce premier effet que Mirabeau produisit sur les convives, et qui nous est si visiblement rendu ; je ne me permettrai que d’expliquer et de commenter deux ou trois traits, ainsi que l’expression de ridicule qui échappe quelques lignes plus bas, et qui est appliquée à l’extérieur de Mirabeau. […] M. de Bacourt, chargé, par la dernière volonté du prince d’Arenberg, du soin délicat de cette publication, s’en est acquitté en esprit élevé et simple, qui comprend, explique, ordonne toute chose, qui met en lumière de tout point le précieux dépôt dont il est chargé, et qui a la modestie de s’effacer devant les personnages principaux dont il éclaire et fait valoir les figures.

1143. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

C’était une des prétentions de Mlle de Scudéry, de connaître à ce point et de si bien décrire les mouvements les plus secrets de l’amour sans les avoir guère autrement sentis que par la réflexion, et elle y réussit souvent, en effet, dans tout ce qui est délicatesse et finesse, dans tout ce qui n’est pas la flamme même. « Vous expliquez cela si admirablement, pourrait-on lui dire avec un personnage de ses dialogues, que quand vous n’auriez fait autre chose toute votre vie que d’avoir de l’amour, vous n’en parleriez pas mieux. » — « Si je n’en ai eu, nous répondrait-elle en nous faisant son plus beau sourire, j’ai des amies qui en ont eu pour moi et qui m’ont appris à en parler. » Voilà de l’esprit pourtant, et Mlle de Scudéry en avait beaucoup. […] Un écrivain d’un mérite médiocre, mais qui a recueilli quelques traditions et informations assez justes sur les personnages du Grand Siècle, l’abbé Lambert, avait dit (Histoire littéraire du règne de Louis XIV), en parlant de la vogue prodigieuse qu’eurent en leur temps ces romans de Mlle de Scudéry et pour l’expliquer : Il est vrai que ces romans, si toutefois on peut les appeler de ce nom, ne doivent être regardés que comme des espèces de poèmes épiques et des histoires véritables sous des noms cachés.

1144. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

On a grand besoin de se reporter aux circonstances pour s’expliquer le succès extraordinaire qu’obtint ce discours. […] En vain l’abbé Maury chercha-t-il à se faire interrompre, s’interrompit-il lui-même, se plaignit-il qu’on ne voulait pas l’entendre ; en vain, abandonnant et reprenant le sujet principal de son discours, se perdit-il dans les digressions les plus étrangères, interpella-t-il personnellement Mirabeau et lui jeta-t-il vingt fois le gant de la parole ; au moindre mouvement d’impatience qui s’élevait dans l’Assemblée : « Attendez, monsieur l’abbé, disait Alexandre Lameth avec un sang-froid désespérant, je vous ai promis la parole, je vous la maintiendrai. » Et, se tournant vers les interrupteurs : « Messieurs, écoutez M. l’abbé Maury : il a la parole ; je ne souffrirai pas qu’on l’interrompe. » Ayant ainsi expliqué au long tout ce jeu de scène et de coulisse, Ferrières termine en disant : « Après deux grandes heures de divagations, tantôt éloquentes, tantôt ennuyeuses, l’abbé Maury descendit de la tribune, furieux de ce qu’on ne l’en avait pas chassé, et si hors de lui, qu’il ne songea pas même à prendre de conclusions. » Or, quand on lit dans les Œuvres de l’abbé Maury, ou même dans l’Histoire parlementaire de MM. 

1145. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Avec l’abbé d’Asfeld, il causait surtout de l’Écriture, des grands desseins de Dieu sur les peuples et de l’explication des prophéties ; avec le maréchal, il parlait des sièges, des batailles, et se faisait expliquer les détails militaires, pour s’épargner, disait-il ingénument, les bévues grossières et les méprises. […] On s’explique donc comment, malgré sa modestie, sa candeur, et le respect universel qu’il inspirait, Rollin put être inquiété quelquefois.

/ 2203