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416. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

De sa vie intérieure comme de sa vie extérieure, de ses chagrins et de ses passions comme de ses courses et de ses luttes, il tira de l’expérience une large connaissance des travers, des faiblesses, des vices de la commune humanité. […] Le pire contresens qu’on puisse faire sur Molière, c’est de ne pas sentir combien son rire est naturel, spontané, copieux, et comment, loin d’être le masque de son expérience, il a les mêmes sources profondes que cette expérience même. […] Est-ce que, n’ayant pas connu la sienne, il y avait une lacune dans son expérience ?

417. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

J’ai fait à ce sujet quelques expériences, mais je ne citerai ici qu’un des faits les plus frappants entre ceux que j’ai constatés. […] Il est notoire que les coquillages terrestres sont très aisément tués par l’eau salée ; leurs œufs, ou du moins ceux que j’ai pu soumettre à l’expérience, enfoncent dans l’eau de mer et y périssent. […] Mais il serait bon qu’un plus grand nombre d’expériences fussent tentées à ce sujet. […] Résumé de ce chapitre et du précédent. — Dans ces deux chapitres, j’ai essayé de montrer que, si nous tenons compte de notre ignorance quant aux effets si divers que peuvent avoir produits les changements de climat ou les oscillations de niveau du sol qui ont certainement eu lieu depuis une période récente, et de tous les autres changements qui peuvent s’être opérés pendant le même temps ; si nous nous souvenons encore combien nous savons peu de chose des nombreux moyens de transports occasionnels, parfois si extraordinaires, qui existent, et qui offrent un sujet inépuisable d’investigations et d’expériences qui n’ont pas encore été convenablement tentées ; si nous songeons combien il peut être arrivé souvent qu’une espèce se soit étendue sur de vastes régions continues, et qu’elle se soit ensuite éteinte dans quelques stations intermédiaires ; il ne reste plus de difficulté insurmontable qui empêche d’admettre que tous les individus de la même espèce, en quelque lieu qu’ils vivent actuellement, ne soient descendus des mêmes parents.

418. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

De plus, la plupart des variétés qui ont donné lieu à des expériences ont été produites à l’état de domesticité ; or, comme la domesticité, et je ne veux pas parler ici seulement de la réclusion, paraît tendre à diminuer la stérilité, nous ne pouvons nous attendre aussi à ce qu’elle la produise. […] Les systématistes pourront poursuivre leur travail comme aujourd’hui ; mais ils ne seront plus incessamment poursuivis par des doutes insolubles sur l’essence spécifique de telle ou telle forme : et je suis certain que ce ne sera pas un léger soulagement ; j’en parle par expérience. […] Quand nous ne regarderons plus un être organisé comme un sauvage regarde un navire, c’est-à-dire comme quelque chose qui surpasse notre intelligence ; quand nous considérerons chaque production de la nature comme ayant eu son histoire ; quand nous regarderons chaque organe et chaque instinct comme la résultante d’un grand nombre de combinaisons partielles dont chacune a été utile à l’individu chez lequel elle s’est produite, à peu près comme nous voyons dans toute grande invention mécanique la résultante du travail, de l’expérience, de la raison et même des erreurs de nombreux ouvriers ; je puis dire, d’après mes propres expériences, que d’un pareil point de vue l’étude de chaque être organisé et de la nature tout entière nous semblera bien autrement intéressante.

419. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Ceux qui parlent ainsi n’avaient pas présent au souvenir le remarquable passage où Vicq d’Azyr commente ce mot de Buffon : « Voilà ce que j’aperçois par la vue de l’esprit », et où il le montre dans ses diverses théories faisant en effet tout ce qu’on peut attendre de l’esprit, devançant l’observation, et arrivant au but sans avoir passé par les sentiers pénibles de l’expérience. M. de Humboldt lui-même, qui a dit en son Cosmos : « Buffon, écrivain grave et élevé, embrassant à la fois le monde planétaire et l’organisme animal, les phénomènes de la lumière et ceux du magnétisme, a été dans ses expériences physiques plus au fond des choses que ne le soupçonnaient ses contemporains » ; M. de Humboldt, en parlant ainsi, avait oublié l’hommage éclairé rendu à Buffon par Vicq d’Azyr, et que le sien propre ne fait que confirmer par des raisons scientifiques nouvelles61.

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