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239. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

L’expérience et la raison tinrent la plume de ces sages ; ils ne se livrèrent jamais aux séduisantes idéalités de leur imagination pour éblouir et fasciner les hommes par des perspectives d’institutions fantastiques qui donnent les rêves pour des réalités aux peuples ; ils respectèrent trop la société pratique pour la démolir, afin de la remplacer de fond en comble par des chimères aboutissant à des ruines ; ils étudièrent consciencieusement la nature de l’homme sociable dans tel temps, dans tels lieux, dans telles mœurs, à tel âge de sa vie publique, et ne lui présentèrent que des perfectionnements graduels ou des réformes modérées, au lieu de ces rajeunissements d’Éson qui tuent les empires sous prétexte de les rajeunir ; en un mot, ces écrivains, les yeux toujours fixés sur l’expérience et sur l’histoire, ne furent ni des rêveurs, ni des utopistes, ni surtout des radicaux. […] Homme qu’il faut plaindre, qu’il faut admirer, mais qu’il faut répudier comme législateur ; car il n’y a jamais eu un rayon de bon sens, d’expérience et de vérité dans ses théories politiques, et il a perdu la démocratie en l’enivrant d’elle-même. […] Zoroastre avait été pontife d’un empire immense, foyer d’une théocratie à la fois divine et politique, qui résumait toutes les clartés du monde primitif ; ses lois n’étaient que des dogmes réformés par une longue expérience. […] Le prestige du style, l’éloquence des sophismes, la rêverie de l’imagination, l’orgueil du paradoxe, la prétention à la nouveauté, n’y sont-ils pas pour tout, la raison et l’expérience pour rien ? […] Est-ce à de tels signes, dans un tel homme, qu’on peut reconnaître le caractère, l’aptitude, l’inspiration sociale d’un de ces prophètes politiques que les siècles reconnaissent pour des législateurs, à l’infaillibilité du bon sens, aux trésors de l’expérience, à la sublimité des inspirations ?

240. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Dans les expériences pour mesurer l’intensité des sensations, on mesure en réalité les aperceptions de sensations, c’est-à-dire l’attention aux sensations, c’est-à-dire encore la tension plus ou moins intense de l’organisme conscient, qui réagit sous le coup venu du dehors. […] Les sensations de température, d’après certaines expériences, semblent se ramener dans leurs éléments primitifs à des sensations de contact. […] Chacun connaît les expériences d’acoustique qui démontrent la complexité de nos sensations de timbre, d’acuité, etc. […] Loin de le prouver, l’expérience en question prouve le contraire. […] On a invoqué l’expérience de Meyer sur le contraste des couleurs : ce qui paraît vert sur un fond rouge paraîtra orange sur un fond bleu ; s’ensuit-il que nous saisissions seulement des différences de couleurs, non des couleurs ?

241. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Fortement marquée de l’expérience de son siècle, elle paraît avoir été douée de cette supériorité de caractère et de vue qui, saisissant la vie telle qu’elle est, la domine et sait la refaire aux autres telle qu’elle devrait être. […] Nous retrouverons tout à l’heure quelques-uns des résultats de son expérience retracés sous voile dans un roman, et nous serons là plus à l’aise du moins pour les faire ressortir. […] Dans un voyage qu’elle fit à Cauterets pour sa santé en 1806, l’isolement où elle se trouva au sortir d’une cour qui avait hâté son expérience, lui donna lieu d’en rassembler les fruits déjà tristes et amers. […] A cet âge, elle est ordinairement mère ; depuis longtemps l’expérience est devenue sa véritable sauvegarde. […] Les résultats principaux de son expérience définitive allèrent aboutir à son ouvrage sur l’Éducation des Femmes ; mais le roman des Lettres espagnoles en profita aussi, et ouvrit son cadre à cette observation plus entière des choses et des hommes.

242. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Mais parmi les nombreux antécédents et conséquents qui forment la matière de notre expérience, quelques-uns se présentent dans un ordre constant, d’autres dans un ordre variable. […] Puis notre croyance aux faits est fondée sur notre propre expérience ; et cette forme de croyance a été déjà expliquée40. […] Bain (note 106), dérive de la crédulité primitive de l’esprit, que l’expérience contraire laisse même souvent intacte.

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