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965. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

C’est pourquoi le malade garde sa raison, n’apostrophe pas ses fantômes, va s’asseoir sur le fauteuil où ils lui semblent assis, bref se sait malade, de même que l’amputé se sait amputé et n’essaye pas de frotter le pied absent auquel il rapporte ses fourmillements. […] Si elle manquait, ces suites seraient la folie ; le malade imaginerait et raisonnerait d’après ses fantômes, comme il imagine et raisonne d’après les objets réels ; le micrographe essayerait d’effacer les taches grises qui recouvrent son papier ; Nicolaï demanderait aux amis imaginaires, qui viennent le visiter, comment ils se portent.

966. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Ni Démosthène, ni Cicéron, ni Machiavel, ni Bossuet, ni Fénelon, ni Mirabeau, ni les premiers des écrivains ou des orateurs dans toutes les langues antiques ou modernes, qui ont essayé d’atteindre à cette perfection du langage humain, n’ont jamais pu y parvenir ; ils n’ont laissé après eux dans leurs œuvres que des débris de leurs tentatives, témoignage aussi de leur impuissance ; cela est plus remarquable encore dans les orateurs qui semblent se rapprocher davantage encore des poëtes par la force et par la soudaineté de la sensation ; aucun d’eux n’a pu dérober une strophe à Pindare ou dix vers à Homère, à Virgile, à Pétrarque, à Racine, à Hugo ; il semble qu’ils vont y atteindre ; mais, au dernier effort, la force leur manque, ils échouent, ils restent en arrière, ils ne peuvent pas, le pied leur glisse, ils se rejettent dans la prose, ils se sentent vaincus. […] Mais l’homme ne veut pas mourir ; et quand le chant sublime l’abandonne avec la jeunesse, il essaye de changer la clef, et il recommence sur un mode inférieur une cantate, encore harmonieuse, s’il se peut, dans tous les cas moins aimable. » Cette dernière phrase fait allusion, dans M. 

967. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Il disait à la bourgeoisie : « Je voterai pour l’enseignement moderne, parce que la suppression de la culture classique, à laquelle, personnellement, je suis de tout mon cœur attaché, vous portera le coup le plus funeste. » Et il concluait en ces termes : « Lorsqu’il y a cinquante ou soixante ans, sous Louis-Philippe, la bourgeoisie est arrivée au pouvoir, au gouvernement, aux affaires, elle avait compris alors que le prestige de la seule richesse ne lui suffirait pas, et elle essayait, en appelant à sa tête des hommes imprégnés de la culture antique, en la défendant partout, d’ajouter pour elle au prestige grossier de l’argent le prestige d’une noble culture. […] Pour essayer dès maintenant de les ébranler, nous vous prions de vouloir bien répondre à ces deux questions : 1º Avez-vous déjà remarqué autour de vous que l’esprit français et la langue fussent menacés ?

968. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Le caprice et la mode ont vainement essayé de naturaliser l’inversion parmi nous : ces tentatives ont toujours échoué. […] La liste en est arrêtée ; le paradoxe archéologique pourra bien essayer d’y glisser quelques noms qui n’y figurent pas, et qui n’y demeureront pas ; il n’en pourra rayer aucun.

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