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2300. (1864) Études sur Shakespeare

Se placer dans l’intérieur des familles et ressaisir par là cet immense avantage de la variété des conditions et des idées qui élargit le domaine de l’art sans altérer la simplicité de ses effets ; trouver dans l’homme des passions assez fortes, des travers assez puissants pour dominer toute sa destinée, et cependant en restreindre l’influence aux erreurs qui peuvent rendre l’homme ridicule sans aborder celles qui le rendraient misérable ; pousser un caractère à cet excès de préoccupation qui, détournant de lui toute autre pensée, le livre pleinement au penchant qui le possède, et en même temps n’amener sur sa route que des intérêts assez frivoles pour qu’il les puisse compromettre sans effroi ; peindre, dans le Tartufe, la fourberie menaçante de l’hypocrite et la dangereuse imbécillité de la dupe, pour en divertir seulement le spectateur et en échappant aux odieux résultats d’une telle situation ; rendre comiques, dans le Misanthrope, les sentiments qui honorent le plus l’espèce humaine en les contraignant de se resserrer dans les dimensions de l’existence d’un homme de cour ; arriver ainsi au plaisant par le sérieux, faire jaillir le ridicule des profondeurs de la nature humaine, enfin soutenir incessamment la comédie en marchant sur le bord de la tragédie : voilà ce qu’a fait Molière, voilà le genre difficile et original qu’il a donné à la France, qui seule peut-être, je le pense, pouvait donner à l’art dramatique cette direction et Molière. […] Mais ses Masques, espèce d’opéra, obtinrent un succès général ; et plus Ben-Johnson et les érudits s’efforçaient de rendre la comédie et la tragédie ennuyeuses, plus on devait se rejeter sur les Masques.

2301. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Descartes, avec la manie que vous lui connaissez bien et qui s’étale dans le Traité des Passions tout entier, et qui consiste à ne pas admettre qu’une passion, qu’aucune passion puisse être entièrement mauvaise, cherche, quand il en vient à « raillerie et moquerie », le bon côté que peut avoir cette passion-là ; et il trouve ceci : « La dérision ou moquerie est une espèce de joie mêlée de haine qui vient de ce qu’on aperçoit quelque petit mal en une personne qu’on en pense digne ; et lorsque cela survient inopinément [il a bien vu l’élément d’inattendu et de surprise qui entre toujours dans l’hilarité], la surprise de l’admiration [étonnement] est cause qu’on s’éclate de rire. […] Donc, comme sujet où il y avait un sacrifice, comme sujet où il y avait un sacrifice en vue de L’Impératif catégorique et enfin, sans que j’aille jusqu’à dire surtout, parce qu’il y avait de beaux vers d’amour à écrire, le sujet de Bérénice a dû plaire infiniment à Pierre Corneille en décembre 1669, à moins que ce ne fût en janvier 1670, ce qui dans l’espèce n’a pas une très grande importance. […] Escalier curieux, espèce de symbole Qui semble nous montrer comment l’art dégringole.

2302. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Il a peine à lui pardonner tel ou tel acte qui lui paraît une espèce de trahison. […] Labiche a envisagé notre pauvre espèce, étudiant l’homme comme un pantin sans conséquence et un insecte grotesque, M.  […] Elle a souffert par son mari avare et débauché, par sa mère dont elle a découvert les anciennes intrigues, par son fils qui a été un misérable de la pire espèce.

2303. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Cette espèce de brute nue qui gît tout le long du jour auprès de son feu, inerte et sale, occupée à manger et à dormir38, dont les organes rouillés ne peuvent suivre les linéaments nets et fins des heureuses formes poétiques, entrevoit le sublime dans ses rêves troubles.

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