C’est là la source inépuisable des erreurs où sont tombés toutes les nations, tous les savants, au sujet des commencements de l’humanité ; les premières s’étant mises à observer, les seconds à raisonner sur ce sujet dans des siècles d’une brillante civilisation, ils n’ont pas manqué de juger d’après leur temps, des premiers âges de l’humanité, qui naturellement ne devaient être que grossièreté, faiblesse, obscurité. […] Cette erreur est devenue scandaleuse par la vanité des Égyptiens et des Grecs, qui, à les en croire, ont répandu la civilisation dans le monde. […] Assigner à ces traditions leurs véritables causes qui, à travers les siècles, à travers les changements de langues et d’usages, nous sont arrivées déguisées par l’erreur, ce sera un des grands travaux de la nouvelle science.
Quoi qu’il en soit de ces légères erreurs et de ces séductions dont les plus méfiants ne savent pas toujours se garantir, quiconque a la noble ambition de se distinguer et de percer à son tour trouve là, durant ces années recluses, tout le loisir de méditer sa propre force, ses éléments d’invention ou d’arrangement, ses formes de jugement et de compréhension, de combiner fortement son entrée en campagne et sa conquête. […] Taine ne craint pas de forcer ses idées en les promulguant : « Selon la coutume des novateurs, a-t-il dit de l’historien philosophe Niebuhr, il pousse la vérité jusqu’à l’erreur : exagérer est la loi et le malheur de l’esprit de l’homme : il faut dépasser le but pour l’atteindre.
Je vois les uns, sous prétexte d’antiquité, soutenir des erreurs grossières ; les autres, en voulant fuir des erreurs qu’ils croient nouvelles, inventer eux-mêmes des nouveautés ; et, pour retrancher des abus, je les vois condamner et supprimer de leur autorité privée l’usage de beaucoup d’institutions des plus saintes, je le pense du moins.
Le prenant donc par le cou pour l’embrasser, j’achevai d’arracher son rabat, et je lui dis : « Vous êtes dans l’erreur, monsieur, comme beaucoup d’autres honnêtes gens ; je suis bien Cervantes, mais non le consolateur des muses, et je ne mérite aucun des noms aimables que Votre Seigneurie veut bien me donner. […] Antoine de Latour (1 vol. in-18, Michel Lévy). — Il y a évidemment une erreur de date lorsque le livre de M. de Latour parle du 274e anniversaire de la mort de Cervantes ; c’est sans doute le 247e qu’il faut lire. — Autre reproche plus grave : pourquoi cet écrivain, que j’appelle aimable, se fait-il aigre en quelques endroits ?