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1443. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

On sait qu’un croisement avec un Bouledogue a augmenté pendant de nombreuses générations le courage et la ténacité d’une race entière de Lévriers, de même qu’un seul croisement avec un Lévrier a donné à toute une famille de Chiens de berger une disposition marquée à chasser les Lièvres. […] Il est généralement admis aujourd’hui que la cause immédiate et finale de l’instinct particulier de la femelle du Coucou, c’est qu’elle ne pond pas ses œufs quotidiennement, mais à intervalles de deux ou trois jours ; de sorte que, si elle construisait elle-même son nid pour couver ses propres œufs, il faudrait qu’elle laissât les premiers pondus quelque temps sans être couvés, sinon il se trouverait des œufs et des oisillons de différents âges et l’éclosion de la couvée entière la retiendraient trop longtemps, inconvénient d’autant plus grave pour elle qu’elle réunit ensemble dans le même nid. […] C’est un cas encore plus remarquable que celui du Coucou ; car, chez les Abeilles, non seulement les instincts, mais aussi l’organisation entière a été modifiée de manière à s’accorder avec cette habitude. […] Ces Fourmis sont dans la dépendance absolue des services de leurs esclaves au point que, sans leur aide, l’espèce s’éteindrait certainement tout entière dans une seule année.

1444. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Là les bras de ce fort, là le torse ; mais pour juger Shakespeare, il le faut tout entier. […] Ce voleur de l’auteur d’Othello, qui lui avait pris son magnifique Jaloux pour le mettre en Turc et en faire Orosmane, afin qu’on ne le reconnût pas, ne permettait guère qu’on vantât de son temps celui qu’il avait osé nommer Gilles ; et de la bande de philosophes qui obéissaient à son grelot et tenaient l’opinion de la France esclave, Diderot seul, le débraillé de naturel et de déclamation, avait eu le front d’écrire cette phrase superbe et cynique : « Moi, je ne comparerai Shakespeare ni à l’Apollon du Belvédère, ni au Gladiateur, ni à l’Antinoüs, ni à l’Hercule de Glycon, mais au saint Christophe de Notre-Dame, colosse informe, grossièrement sculpté, mais dans les jambes duquel nous passerions tous sans que notre front touchât à ses parties honteuses. » Mais, comme on le voit, cette phrase ambitieuse et fausse, quoiqu’elle voulût être plus juste que tout ce qu’on disait alors, prouvait que Diderot lui-même ne connaissait pas tout Shakespeare dont le colossal disparaît précisément quand on l’a tout entier sous le regard, dans la perfection de son harmonie. […] VI Et ce qui constitue tout entier ce chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre de Shakespeare, ce n’est pas seulement cette merveille de Juliette et de Roméo et les sentiments qu’ils expriment dans la langue la plus enchantée qui ait jamais été modulée parmi les hommes. […] Pour simplifier le génie de Shakespeare, on le mutile dans ses facultés, on coupe les branches de cette tête de chêne ; et d’autre part, avec la même main qui vient d’accomplir ce grand meurtre, non pas seulement sur Shakespeare, mais sur l’esprit humain tout entier, voilà qu’on fait rentrer de force, et en cassant tout, la volonté libre et réfléchie dans la spontanéité involontaire, et que, par respect pour le génie, on supprime la seule chose qui soit plus auguste que lui : la moralité !

1445. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

L’Église triomphait ; car ce n’était pas seulement Bossuet, mais l’épiscopat français presque tout entier qui allait voir son plus cher désir se réaliser. « On peut réfléchir en passant, observe Saint-Simon, sur la dureté du joug que le clergé exerce sur les plus grands rois qui ont eu la faiblesse de se le laisser imposer. » A nul autre temps cette remarque ne s’appliqua mieux qu’à celui-ci. […] Vingt-cinq mille d’entre les réfugiés entrèrent dans l’armée de Frédéric Guillaume, parmi lesquels six cents officiers et des régiments entiers, uniquement composés de Français. […] Les laboureurs, les jardiniers, les maraîchers, les vignerons défrichèrent des régions entières du pays-Dix mille Français vinrent s’établir à Berlin et « contribuèrent à transformer cette ville qui ressemblait avant eux à une étable infecte habitée par quelques milliers d’engraisseurs de bétail, en une capitale élégante, ornée de palais somptueux, de maisons commodes et dont la population fut portée rapidement de sept mille à vingt-sept mille habitants. »91 Le résultat fut prodigieux.‌ […] Tel est aujourd’hui l’état du monde civilisé qu’un Français ne saurait rien faire contre le catholicisme, qu’il ne le fasse au détriment de la grandeur de la France, pour le plus grand avantage de quelque puissance ennemie, et réciproquement dans le monde entier, que ce soit en Chine ou au Canada, tout ce que l’on fait dans l’intérêt du catholicisme, on le fait, ou du moins on l’a fait jusqu’ici dans l’intérêt de la France elle-même »93.

1446. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Sa vie fut plus orageuse que celle de tous les autres troubadours, son caractère était plus fier et plus hardi, la rudesse du moyen âge est tout entière en lui. […] Le pays tout entier était enrichi par le commerce et l’industrie de ses vainqueurs. […] Ce luxe des fêtes, cette richesse orientale qui se communiquait à la poésie, nous apparaîtra tout entière dans un pareil exemple. […] Sous cette époque reculée, on ne trouve que des mots isolés de ce dialecte, épars dans les chroniques latines, mais pas une phrase entière. […] La vie entière du temps est là.

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