Son coup de génie avait été de reconnaître dans l’individualisme, — cet individualisme dont Benjamin Constant était alors le grand théoricien et Victor Cousin le prophète, — l’ennemi qu’il fallait combattre, et abattre, si l’on voulait reconstituer la société sur la base de la religion. […] La religion, emprisonnée dans le vieil édifice politique, véritable cachot de l’Église, ne reprendra son ascendant qu’en recouvrant sa liberté, et c’est là le service que ses ennemis, instruments aveugles d’une puissance qu’ils méconnaissent, ont reçu d’en haut l’ordre de lui rendre. […] Il y avait d’ailleurs en Feuillet un goût inné de la distinction, et, quoiqu’il n’eût pas été bercé « sur les genoux d’une duchesse », il y avait une habitude naturelle d’esprit, si je puis ainsi dire, déjà trop aristocratique, pour qu’il pût s’accommoder de ce que les ennemis du romantisme, en ce temps-là, mêlaient à leur solide et louable bon sens, d’inélégance, de lourdeur, et même de vulgarité. […] Ou bien encore son genre de talent, ennemi de la vulgarité, mêlé de délicatesse et de force, s’accommodait-il assez mal des conditions matérielles de la scène ? […] Chinois ou Américains, Anglais ou Italiens, Allemands ou Français, si nous sommes assurés en effet d’une chose par l’histoire, c’est que ces noms enveloppent ou confondent sous l’unité d’une même désignation vingt races autrefois différentes ou ennemies.
Il les ramène sur la terre avec la permission de Jupiter et malgré la défense de la Vérité, leur ennemie, exaspérée de leur retour. On sait qu’il n’est pas donné aux génies de résister aux ordres des dieux… » L’amour n’est jamais descendu dans le cœur de Leopardi, qui l’appelait de tous ses vœux : son ennemie, la Vérité, y régnait en souveraine, assez puissante dans cette forteresse pour résister aux ordres même des dieux, et il savait bien qu’elle aurait détruit tous ses enchantements. […] L’ennemi qui nous poursuivait sur la mer, avec la rapidité que donne une facile victoire, et la perspective d’aborder sur une côte où seraient sans doute d’autres et nombreux ennemis, non seulement des Autrichiens, mais des papistes alors en violente réaction. […] Je dis à mes compagnons, qui me demandaient du regard ce qu’il fallait faire, de se mettre en chemin séparément et de chercher un refuge où ils pourraient ; en tout cas, de s’éloigner de l’endroit où nous étions, l’arrivée des bâtiments ennemis étant imminente. […] Au fond, il est de la famille des exaltés, des saints ; lui, l’ennemi des prêtres, il eut un grain du désintéressement sublime qui fit les François d’Assise.
Il raconta, avec un ton de juge, « comment ce roi persécuteur de la religion, oppresseur des lois, après une longue tyrannie, avait été vaincu les armes à la main par son peuple ; puis mené en prison, et, comme il n’offrait ni par ses actions ni par ses paroles aucune raison pour faire mieux espérer de sa conduite, condamné par le souverain conseil du royaume à la peine capitale ; enfin, frappé de la hache devant les portes mêmes de son palais… Jamais monarque assis sur le plus haut trône fit-il briller une majesté plus grande que celle dont éclata le peuple anglais, lorsque, secouant la superstition antique, il prit ce roi ou plutôt cet ennemi, qui, seul de tous les mortels, revendiquait pour lui, de droit divin, l’impunité, l’enlaça dans ses propres lois, l’accabla d’un jugement, et, le trouvant coupable, ne craignit point de le livrer au supplice auquel il eût livré les autres ? […] Il se révolta contre la coutume462, reine illégitime de la croyance humaine, ennemie née et acharnée de la vérité, porta la main sur le mariage, et demanda le divorce en cas de contrariété d’humeurs. […] Celui, disait-il un peu plus tard, qui connaît la vraie nature de la poésie, « découvre bientôt quelles méprisables créatures sont les rimeurs vulgaires, et quel religieux, quel glorieux, quel magnifique usage on peut faire de la poésie dans les choses divines et humaines »… « Elle est un don inspiré de Dieu, rarement accordé, et cependant accordé à quelques-uns dans chaque nation, pouvoir placé à côté de la chaire, pour planter et nourrir dans un grand peuple les semences de la vertu et de l’honnêteté publique, pour apaiser les troubles de l’âme et remettre l’équilibre dans les émotions, pour célébrer en hautes et glorieuses hymnes le trône et le cortége de la toute-puissance de Dieu : pour chanter les victorieuses agonies des martyrs et des saints, les actions et les triomphes des justes et pieuses nations qui combattent vaillamment pour la foi contre les ennemis du Christ496. » En effet, dès l’abord, à l’école de Saint-Paul et à Cambridge, il avait paraphrasé des psaumes, puis composé des odes pour la Nativité, la Circoncision et la Passion. […] L’enfer trembla comme il marchait. — L’ennemi, intrépide, admira ce que ceci pouvait être, — admira, ne craignit pas533. […] Pour atteindre cette gloire, la seule voie est de montrer que, comme vous avez vaincu vos ennemis par la guerre, de même vous pouvez dans la paix, plus courageusement que tous les autres hommes, abattre l’ambition, l’avarice, le luxe, tous les vices qui corrompent la fortune prospère et tiennent subjugués le reste des mortels, — et que vous avez pour conserver la liberté autant de modération, de tempérance et de justice que vous avez eu de valeur pour repousser la servitude. » 447.
« Pour ce héros glacial, le véritable ennemi, c’est le hasard », et l’œuvre véritable c’est non un discours sur la méthode, mais une création de méthode. […] Déjà Mallarmé la considérait comme un ennemi redoutable, dont la poésie, pour le vaincre et le surpasser, doit surprendre les secrets. […] Ce qui fut baptisé le symbolisme se résume très simplement dans l’intention commune à plusieurs familles de poètes (d’ailleurs ennemies entre elles) de reprendre à la musique leur bien. » Valéry semble moins préoccupé que Mallarmé de cette reprise sur la musique, et davantage de la poésie pure. […] Pour Valéry la parole est presque un ennemi de la pensée. […] Seule son ombre, cette « absence peinte » dessine déjà sur le sol une image ennemie, celle du serpent qui fait passer l’être à la vie mutilée et agile, active et désespérée, — le thème que reprendra l’Ebauche de Charmes.