Ce dernier poème vaut d’autant mieux d’être reproduit qu’il ne figure pas dans le recueil des Poèmes paru depuis : LE RÊVE DE LA REINE La reine aux cheveux d’ambre, à la bouche sanglante, Tient de sa dextre longue ouvert le vitrail d’or, Pensant que l’heure coule ainsi qu’une eau trop lente. […] Ô crépuscule, dans ta grande somnolence, Un bois à l’horizon s’étage noir et bleu ; Haut, le croissant émerge et s’argente en silence, L’Hippogriffe attendait dans le couchant de feu ; Et la Reine, égarant son regard noir et bleu, Maudit l’heure qui coule ainsi qu’une eau trop lente, Et, sous le dur brocart, sentant sa gorge en feu, Mord son exsangue main de sa bouche sanglante !
Comme une pierre jetée dans l’eau, elle troublera l’intimé de l’Être, éveillant des cycles de sensations antérieures. » Et Rimbaud, nullement ébranlé, selon moi, de répartir : « Vous énoncerez des idées touchantes, mais force vous sera de faire appel à mes passions, à mes sottises, à mes erreurs d’homme. […] S’il évoque un paysage mélancolique d’automne, et, dans le bassin, où le ciel se reflète, un jet d’eau soupirant vers l’azur, c’est pour traduire un état particulier de tristesse, un état de l’Être en instance de l’Au-delà, un appel de l’Âme.
Température, aspect général du monde extérieur, nature du sol, flore et faune, état ordinaire du ciel, régime des eaux et des saisons : tout cela doit être considéré et tout cela varie parfois d’année en année et dans l’espace de quelques lieues. […] Puis, c’est la vie du cœur : amour, amitié, haine, la vie politique avec ces grands événements où l’individu est enveloppé et roulé comme une goutte d’eau dans un fleuve.
Un petit lac ne ravage pas ses bords, et personne n’en est étonné ; son impuissance fait son repos : mais on aime le calme sur la mer, parce qu’elle a le pouvoir des orages, et l’on admire le silence de l’abîme, parce qu’il vient de la profondeur même des eaux. […] Cet antre protégeoit leur paisible sommeil ; Souvent le cri de l’aigle avança leur réveil ; Ils chantoient l’Éternel sur le roc solitaire, Au bruit sourd du torrent dont l’eau les désaltère, Quand tout à coup un ange, en dévoilant ses traits, Leur porte, au nom du ciel, un message de paix.